Je me souviens… Au pouvoir, citoyens!: Brève réflexion sur l’or noir

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Le 22 mars dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, près de 500 personnes se sont déplacées à Trois-Rivières pour faire entendre leur voix. Ils seront aussi plusieurs milliers à Québec le 11 avril prochain pour la Marche Action Climat, une manifestation à l’échelle du pays contre les changements climatiques. En cette année d’élection fédérale, prenons du temps afin de réfléchir très sérieusement sur notre dépendance à l’or noir.

L’année 2015 sera un tournant pour le Québec, notamment au niveau de ses choix énergétiques. Depuis le premier choc pétrolier en 1973, tout le monde sait qu’il faut changer de cap et développer de nouvelles formes d’énergies moins polluantes voire renouvelables. Or, l’urgence de casser notre dépendance au pétrole ne semble pas avoir écho aux oreilles du gouvernement fédéral qui cherche par tous les moyens à exporter son pétrole bitumineux et à nous imposer l’ignoble en nous forçant à devenir un pétro-État.

Que ce soit par le projet d’Enbridge, qui consiste à inverser d’ici juin le flux de l’oléoduc 9B (vieux de 40 ans), ou bien encore le projet de la pétrolière albertaine TransCanada de transformer un port du Bas-Saint-Laurent en station à risque après avoir construit le plus imposant pipeline d’exportation de l’histoire canadienne. Sur les 4600 kilomètres du tracé de l’oléoduc Énergie Est, 700 kilomètres sont en sol québécois. En clair, le danger nous guette.

Un monstre made in Canada

Projet fortement controversé – et très largement contesté – Énergie Est va traverser plus de 600 rivières au Québec seulement! L’oléoduc reposera sous le lit de 62 rivières et s’ajouteront 11 stations de pompage, sans compter le terminal portuaire et ses quelque 15 réservoirs pouvant contenir 350 000 barils. Ce projet monumental touchera près de 2000 propriétaires fonciers au Québec ainsi qu’un très grand nombre de communautés.

Pas besoin d’attendre un BAPE (promis par le ministre Heurtel et attendu depuis au moins quatre mois) ou une énième étude d’impact pour savoir que ce projet canadien d’oléoduc n’a pas de bon sens. Le ton commence d’ailleurs à monter dans au moins 75 municipalités qui se sont déjà prononcées en défaveur du plus important projet de pipeline en développement en Amérique du Nord. Barack Obama vient d’ailleurs d’apposer son véto contre le projet d’oléoduc Keystone XL, entre l’Alberta et le Texas, ce qui malheureusement met davantage de pression sur le Québec et le projet d’Énergie Est.

De son côté, le gouvernement Couillard doit essentiellement favoriser une vision à long terme de notre économie et de son développement puis renvoyer chez eux les marchands de sable bitumineux qui veulent s’imposer en maitre sur nos terres agricoles, dans nos cours d’eau et près de nos écoles. Ainsi, le développement industriel ne doit jamais se faire au détriment du bien commun, supposé être à la base de nos démocraties modernes et du principe de bon gouvernement.

Le 25 mars dernier, des étudiants en biologie et en géographie de l’UQAR ont produit un rapport démontrant que les municipalités du Québec n’ont rien à gagner et plutôt tout à perdre avec ce projet: «Dans ces 70 municipalités, les créneaux traditionnels de l’emploi sont liés à l’agriculture, au tourisme, à la qualité de l’environnement en général et ce qu’on peut en tirer. Et ces créneaux traditionnels de développement de l’emploi n’ont rien à tirer comme bénéfice du passage d’un oléoduc dans leur région. Au contraire, ils assument l’entièreté du risque» pour des bénéfices plutôt maigres voire quasi inexistants (après la construction de l’oléoduc, seulement 60 emplois directs seront créés au Québec).

Or, non seulement le chef du PLQ semble approuver la démarche de faire de l’oléoduc (transportant non sans danger le pétrole sale de l’Alberta) le nouveau motif de l’unité canadienne, mais les libéraux ne cachent pas leur préjugé favorable envers le projet de pipeline. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a lui-même livré un plaidoyer en sa faveur le 11 septembre 2014, tout juste après avoir participé à un souper financé par TransCanada. Ici, au pays du pétro-dollar, où l’on tente d’encourager par tous les moyens la création d’un pays dépendant d’une mentalité digne du 19e siècle, on préfère croire que l’or noir doit être au centre du nation building.

Une question de survie

Tout au long de son tracé, le pipeline d’Énergie Est doit traverser, en plus des nombreux secteurs agricoles et du territoire de dizaines de municipalités des deux rives du Saint-Laurent, de nombreuses rivières majeures du sud du Québec, dont plusieurs sont utilisées comme source d’eau potable. À au moins une vingtaine de points de passage, des risques de glissements de terrain significatifs ont été soulevés. En cas de déversement important, ni Québec ni Ottawa ne possèdent de capacité d’intervention. Chaque litre de pétrole déversé polluera un million de litres de notre eau. Or, près de 3,7 millions de Québécois boivent de l’eau à même les cours d’eau qui seraient exposés en cas de déversement.

Veut-on vraiment d’une autre apocalypse comme Mégantic, faisant 47 morts le 6 juillet 2013?

Dans le cas d’Énergie Est, on parle de transporter 1,1 million de barils de pétrole brut par jour, soit 764 barils à la minute (400 millions de barils par année). Une fuite mineure sur cet oléoduc pourrait laisser s’écouler l’équivalent de 16 400 barils par jour pendant deux semaines avant d’être détectée! De plus, la proportion d’hydrocarbures qu’il est en général impossible de récupérer en cas de déversement dans un plan d’eau atteint 85%. Cela, sans compter que le pétrole de l’Alberta est très lourd, et donc qu’il coulera au fond de nos rivières, en plus des difficultés inhérentes au fleuve Saint-Laurent (la glace, les forts courants et les fonds vaseux) qui rendent plus difficile et couteuse la tâche de nettoyage.

Selon d’autres chiffres récents, le rythme des volumes de pétrole brut du CN devrait grimper à 200 000 wagons complets par année d’ici la fin 2015, par rapport à environ 130 000 wagons complets actuellement, et pourrait atteindre 300 000 à 400 000 wagons complets dans les deux prochaines années, multipliant ainsi les risques d’accidents. Veut-on vraiment d’une autre apocalypse comme Mégantic, faisant 47 morts le 6 juillet 2013?

Préparer l’avenir

Pour sauver la planète, notre avenir n’est ni dans le nucléaire, l’huile ou le gaz de schiste, ni dans l’exploitation pétrolière d’Anticosti, de la Gaspésie ou du golfe du Saint-Laurent. Même si 51 000 personnes travaillent actuellement dans l’industrie pétrolifère au Québec, le recul du prix du pétrole va changer le rapport de force entre les provinces canadiennes, au détriment de l’Alberta mais au profit des provinces plus propres comme la nôtre.

Il y a un mois, la campagne citoyenne «Speak vert!» pour dénoncer l’Office national de l’énergie (ONÉ), qui refuse de traduire en français les 30 000 pages de TransCanada à propos d’Énergie Est, démontre parfaitement que nous sommes piétinés. Encore une fois, le Canada tente de prendre le Québec pour un «porteur d’eau»… et maintenant de pétrole.

Amir Khadir rappelle qu’il faut arrêter dès aujourd’hui de développer des technologies ou des ressources qui détruisent notre planète. Martine Ouellet, candidate à la chefferie du PQ, défend l’idée qu’il faut promouvoir un «développement économique intelligent» qui tient compte de l’impact de nos décisions et de l’urgence d’électrifier nos transports.

Avec environ 2% de toute l’eau douce au monde, l’eau est pour le Québec notre première ressource naturelle, bien plus précieuse que les métaux et les hydrocarbures. Les organisateurs de l’évènement du 22 mars, dont Eau Secours!, ont d’ailleurs plaidé en ce sens, soulignant qu’une eau saine «garantit la santé de la population, assure son alimentation, participe à la santé de la flore, de la faune et de l’environnement».

Même l’ONU craint une pénurie mondiale d’eau potable dès 2030. Pendant ce temps, le gouvernement canadien continue de croire qu’utiliser dix barils d’eau pour fabriquer un seul baril de pétrole est une solution miracle… À la vue des faits exposés ici, il y a de bonnes raisons de croire que ce comportement absurde est, en réalité, un acte suicidaire.

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