Je me souviens… Au pouvoir, citoyens!: L’austérité, le poison du 21e siècle

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Le 11 novembre dernier, l’AGE UQTR s’est positionnée en Assemblée générale contre l’austérité dont «les impacts sont moralement inacceptables», disait Normand Baillargeon. Même le Fonds monétaire international recommande maintenant de quitter l’itinéraire des politiques d’austérité et insiste sur la nécessité de faire des investissements étatiques pour redonner du souffle à l’économie. Considérant la manifestation nationale du samedi 29 novembre prochain, bref retour sur une terrifiante mesure plus qu’impopulaire.

Ce qu’en disent les spécialistes

Thomas Piketty, né en 1971, est économiste français et directeur d’études à l’EHESS de Paris. Il est aussi spécialiste de l’étude des inégalités économiques en particulier dans une perspective historique et comparative. Ayant publié Les hauts revenus en France au 20e siècle (2001), il gagne l’année suivante le prix du meilleur jeune économiste. En 2013, il récidive avec Le Capital au XXIe siècle, acclamé par l’Occident. En voici un extrait:

«Comment faire pour réduire significativement une dette publique importante, telle que la dette européenne actuelle ? Il existe trois méthodes principales, que l’on peut combiner dans diverses proportions: l’impôt sur le capital, l’inflation et l’austérité. L’impôt exceptionnel sur le capital privé est la solution la plus juste et la plus efficace. À défaut, l’inflation peut jouer un rôle utile: c’est d’ailleurs ainsi que la plupart des dettes publiques importantes ont été résorbées dans l’histoire. La solution la pire, en termes de justice comme en termes d’efficacité, est une cure prolongée d’austérité.» (Paris, Seuil, p. 885).

L’Allemagne, «locomotive» de l’Union Européenne, commence d’ailleurs à changer de cap depuis que Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et professeur à l’Université de Columbia à New-York, annonçait clairement dans une lettre publiée fin septembre, que «l’austérité a échoué». Les cas de la Grèce et de l’Espagne sont très révélateurs.

L’austérité de nos pseudo-libéraux fait en sorte qu’on coupe dans les services offerts aux citoyens – considérés pour eux comme une dépense, au lieu d’être un investissement dans la nation – plutôt que d’augmenter la colonne des revenus. Or, en 1964, 38% des recettes fiscales du Québec provenaient de l’impôt des entreprises. En 2004, cette contribution des entreprises baissait à 12%, puis à 7,7% en 2007 pour atteindre 6,4% en 2014.

Pourtant, en 2009, le Vérificateur général du Québec nous signalait aussi que, «pour la période allant de 2002 à 2008, 14 entreprises n’ont versé aucun droit minier alors qu’elles cumulaient des valeurs brutes de production annuelle de 4,2 milliards».

Rappelons aussi que le gouvernement Charest, qui a augmenté la dette du Québec du tiers pendant son règne, avait aboli en 2011 la fameuse taxe prélevée sur le capital, introduite en 1947 par Maurice Duplessis. Cette taxe représentait alors, dans les années 2000, entre 3% et 4% des revenus du gouvernement québécois. L’argent y’en a, dans les poches du patronat dit le slogan…

Pire encore: dans le budget Marceau de 2014, Hydro-Québec, Loto-Québec et la SAQ versaient à eux seuls 5,1 milliards dans les coffres de l’État alors que l’ensemble des entreprises privées du Québec, pétrolières et banques incluses, ne versait que 4,7 milliards. Comme le Québec est le champion canadien de l’aide aux entreprises avec une contribution moyenne de 3,6 milliards par année, la véritable (et complètement scandaleuse) participation des entreprises au trésor public dépasse à peine un milliard.

Au Canada, ce n’est pas mieux: les particuliers paient davantage d’impôts alors que les entreprises et les corporations de moins en moins (49,2% du total au Canada en 1950 et seulement 11,4% en 1993). Harper a lui aussi aboli la taxe sur le capital à son arrivée au pouvoir en 2006. Pendant ce temps, le taux d’endettement des ménages dépasse 160%!

En 2012, selon les calculs d’Alain Deneault, qui enseigne la pensée critique à l’Université de Montréal, 155 milliards de dollars reposaient dans des paradis fiscaux, à l’abri de l’impôt canadien. Évaluation conforme à ce que nous apprenait André Lareau, professeur de droit fiscal à l’Université Laval; entre 2003 et 2008, les investissements canadiens directs dans les paradis fiscaux sont passés à 146 milliards $. Gilles Larin, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, rappelle qu’en 2003, il y avait 88 milliards $ d’actifs canadiens dans les paradis fiscaux.

Entre toutes les mesures possibles, l’austérité est la pire pour sortir d’une crise économique. L’héritage que nous voulons laisser à nos enfants est en péril.

Le Canada a signé des ententes en vue d’éviter la double imposition avec plus de 90 pays, dont les principaux paradis fiscaux bien connus. Dans son récent livre Paradis fiscaux: la filière canadienne, Alain Deneault conclut: «Il est devenu clair au printemps 2013 que la politique fédérale canadienne prétend lutter contre la fraude fiscale… en la légalisant».

Une révolte justifiée

À la lumière de ces données, ne sommes-nous pas en droit de nous demander si l’objectif ultime de nos gouvernements n’est pas de démanteler l’État au profit de l’entreprise privée plutôt que d’assainir nos finances publiques? Ils devraient plutôt serrer la ceinture des grandes entreprises, des banques et autres multimilliardaires. Les vraies affaires: le 1%.

Entre toutes les mesures possibles pour résoudre l’impasse budgétaire, l’austérité est la pire pour sortir d’une crise économique. C’est pourtant celle qui est suivie actuellement en Europe et en ce moment par le piètre gouvernement libéral du Québec qui a réussi à faire perdre, au moment d’écrire ces lignes, au moins 82 000 emplois depuis son élection le 7 avril – ayant pourtant fait campagne sur l’espoir et la promesse d’en créer 250 000!

Symboliquement, 82 000 c’est aussi le même nombre que le total d’étudiants en grève pour la manifestation du 31 octobre dernier intitulée «L’austérité: une histoire d’horreur».

Évidemment, à force de couper dans les services offerts par l’État et dans plusieurs autres organisations régionales (Centres locaux de développement, Conférences régionales des élus, Agences de santé, Commissions scolaires), c’est normal d’être la seule province à voir son taux de chômage augmenter et devoir affronter une hausse de la grogne sociale.

Ça chauffe d’ailleurs du côté de l’Union des Municipalités du Québec (UMQ) dont la présidente, Suzanne Roy, a déclaré le 7 novembre au Premier ministre Couillard – qui, après avoir laissé planer trop longtemps le doute sur la fermeture des conservatoires de musique régionaux, veut leur amputer plus de 300M$ – que les maires du Québec ne se feront pas «dicter leurs décisions budgétaires». Appuyons-les massivement!

Vers une grève générale ?

De plus en plus de gens (étudiants, policiers, pompiers, syndicats, professeurs, chômeurs, retraités, marginaux, autochtones, assistés sociaux, francophiles, environnementalistes, membres d’organisations communautaires ou de lutte contre la pauvreté, alouette!) sont dans la rue pour dénoncer le saccage de nos acquis et le démantèlement de l’État québécois par les mesures d’austérité et le laisser-faire (néo)libéral. Tous envisagent une véritable réaction en chaîne et des conséquences catastrophiques pour le Québec de demain. L’héritage que nous voulons laisser à nos enfants est en péril. J’ai déjà entendu dire que «l’indice d’intelligence d’une société se mesure à sa capacité de s’indigner»…

Un collectif ayant le slogan L’austérité ne coupera pas notre révolte est d’ailleurs déjà en train de mettre en branle l’organisation d’une grève générale sociale dès l’an prochain. Intitulé «Comité Large Printemps 2015», le regroupement invite tous les citoyens de partout au Québec à se rassembler «afin de refuser massivement le projet idéologique de l’austérité». Soyons nombreux le samedi 29 novembre prochain à 13h, particulièrement dans la capitale du Québec pour que les élus entendent: «Ensemble», refusons l’austérité.

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