Je me souviens… Au pouvoir, citoyens!: Pierre Falardeau (1946-2009), cinq ans plus tard

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En sa compagnie lors de son passage à Trois-Rivières, au Charlot, le 26 avril 2009.
En sa compagnie lors de son passage à Trois-Rivières, au Charlot, le 26 avril 2009.

Décédé d’un cancer le 25 septembre 2009 à l’âge de 62 ans, Pierre Falardeau se servait de sa plume et de sa caméra pour réveiller les Québécois(es). À l’occasion de l’anniversaire de sa mort, bref retour sur la vie d’un sympathique militant qui n’avait pas la langue dans sa poche!

Pierre Guillaume Falardeau, fils d’Alphonse Falardeau (1914-1984) et de Jeannine Ouimet, est né le 28 décembre 1946 dans l’est de Montréal et a grandi à Châteauguay.Membre du RIN (Rassemble pour l’Indépendance Nationale) dès 1962, auteur de chroniques dans plusieurs journaux et revues dans lesquels il tend à illustrer sa conviction inébranlable de la nécessité voire l’urgence de faire l’indépendance du Québec, il est l’incarnation même de la liberté d’expression. Son style d’écriture mêlant à la fois la réflexion intellectuelle, le joual et parfois même la vulgarité, est unique. Cependant, son talent de cinéaste va primer sur celui d’écrivain, la caméra n’ayant pas besoin de mots pour faire parler la vérité.Après des études d’ethnologie, c’est par le documentaire qu’il en vient au cinéma, puis il va ensuite s’intéresser à la fiction.

En 2004, il fait paraître l’anthologie de ses premiers films (1971-1995) réalisés en collaboration avec son grand ami Julien Poulin qu’il a rencontré au Collège de Montréal vers 1959. Falardeau est à la caméra et parfois endosse la narration alors que Poulin est l’ingénieur de son. Parmi ces chefs-d’œuvre, il y a notamment Continuons le combat (1971), À mort (1972, inédit), Les Canadiens sont là (1973), Le Magra (1975), À force de courage (1977, un film sur l’Algérie), Pea Soup (1978), Speak White (1980, ONF), Le temps des bouffons (1993), Une minute pour l’indépendance (1995), Elvis Gratton : président du Comité des intellectuels pour le NON (1995).

Entretemps, il réalise aussi Le Party (1989), une critique virulente et intense sur la violence du système carcéral, ainsi que Le Steak (1992, ONF), un film sur le boxeur Gaétan Hart coréalisé avec sa femme Manon Leriche. Grand amateur de sport et de plein air depuis sa jeunesse, il aura au moins réussi à filmer l’une de ses passions. Fidèle à lui-même, il suivra cette quête d’authenticité toute sa vie. C’est peut-être là sa plus grande force : un incroyable dynamisme.

À cela s’ajoute une exceptionnelle filmographie politique. Tout d’abord, la trilogie des Elvis Gratton (1985, 1999, 2004) rend hommage aux ennemis de la liberté et creuse une réflexion sur le paradoxe du «Québécois colonisé» qui idolâtre les États-Unis plutôt que son propre pays, la convergence médiatique (avec plusieurs clins d’œil évidents à Paul Desmarais, André Pratte et John James Charest) et les principes idéologiques un peu trop canadian à son goût de «Radio-Cadenas», selon une expression du député-poète trifluvien Gérald Godin. Ayant goûté à de multiples reprises la censure et les refus de Téléfilm Canada, Falardeau savait de quoi il parlait.

«On va toujours trop loin pour ceux qui vont nulle part.» – Pierre Falardeau

Autrement, on retiendra surtout ses films à caractère historique, déjà trop peu nombreux dans le cinéma québécois: Octobre (1994) et son avant-dernier film, le très touchant 15 février 1839 (2000), tous deux mettant en scène le talentueux comédien Luc Picard. Bref, deux sujets tabous qu’il a dû autofinancer, car lorsqu’il s’agit de faire connaître le passé du Québec, d’illustrer des pages sombres mais vraies du Canada, ou d’autres tabous sur notre minorisation, les robinets de subventions gouvernementales sont trop souvent fermés à ceux qui veulent montrer certains aspects de la réalité. «On va toujours trop loin pour ceux qui vont nulle part» affirmait-il haut et fort pour dénoncer les partisans de la soumission, de l’aplaventrisme, de l’opportunisme et du carriérisme. Toutefois, au-delà de la caricature, Pierre Falardeau refusait l’étiquette d’auteur ou d’artiste engagé car il disait n’avoir été engagé par personne pour dire ce qui lui tenait à cœur.

Parmi les divers honneurs reçus, on compte notamment le prix L.-E.-Ouimet-Molson (1994) pour Octobre, le prix littéraire Desjardins (1996) pour La Liberté n’est pas une marque de yogourt ainsi que le prix Pierre Bourgault (2009) offert par le Mouvement souverainiste du Québec pour la «défense du peuple québécois». Polémiste, pamphlétaire, homme de parole, homme de cœur, Falardeau était déterminé, assoiffé de liberté autant pour son peuple que tous les autres, luttant contre l’oppression grâce aux deux enfants de l’espoir selon St-Augustin: la colère et le courage.

Le 11 octobre 2009, au Lion d’or, plusieurs artistes et personnalités publiques dont Loco Locass, Denis Trudel, Bernard Landry et Jacques Parizeau s’étaient réunis pour rendre hommage au cinéaste décédé trop tôt, laissant dans le deuil sa femme et ses trois enfants (Jules, Hélène et Jérémie). Incontestablement une personnalité importante de l’histoire récente du Québec, German Gutierrez et Carmen Garcia réalisèrent en 2011 un film intitulé «Pierre Falardeau» (K-films Amérique, 86 min.) qui a remporté un Jutra dans la catégorie meilleur documentaire.

***

Je n’ai pas eu la chance de connaître les Patriotes de 1837-38 ni tous les autres militants nationalistes/indépendantistes qui ont donné leur vie pour la cause du Québec comme Jules-Paul Tardivel, Armand Lavergne, Henri Bourassa, Joseph-Napoléon Francoeur, René Chaloult, André D’Allemagne, Lionel Groulx, François d’Aquin, Pierre Vallières, Michel Chartrand et sa femme Simonne, Pierre Vadeboncoeur, les Frères Rose, Gérald Godin et sa femme Pauline Julien, Pierre Bourgault, René Lévesque, Gaston Miron, Fernand Dumont… Mais toi Pierre, je t’ai connu. J’ai manifesté dans la rue avec toi, je t’ai vu en conférence dans quelques villes, j’ai même aidé à te faire venir au Charlot à Trois-Rivières pour nous parler avec amour de la patrie.

Tu m’as toujours donné du courage, de l’espoir et de la force, choses dont on a bien besoin depuis le scrutin déficient du 7 avril dernier où 41% des électeurs ont donné 56% des sièges du parlement au PLQ mais également 100% des pouvoirs. Un véritable simulacre scandaleux de démocratie. Après Occupy Wallstreet et le Printemps érable de 2012, je comprends de plus en plus pourquoi l’indignation sociale est nécessaire, car c’est le ferment de «l’esprit de résistance». En ces temps de frauduleuse austérité, le citoyen doit – plus que jamais – défendre non seulement ses droits et exiger l’exemplarité de la part des élites, mais aussi accomplir ses devoirs pour agir et revendiquer autant la justice sociale que le respect du bien commun.

Je m’ennuie terriblement de toi ces temps-ci, de ton franc-parler, de ta vision du nationalisme, de ta fougueuse résistance envers le colonialisme, de ton ouverture aux autres peuples en lutte dans le monde, de ton indépendantisme jusqu’au-boutiste! Déjà cinq ans que tu es parti, mais je pense à toi tous les jours. Merci d’avoir donné (comme beaucoup d’autres avant toi) ta vie pour notre cause, celle de la libération du peuple québécois, et d’avoir milité ardemment pour que le Québec atteigne enfin sa maturité, sa liberté politique absolue, bref son indépendance.

Grâce à toi, nous continuerons ce combat jusqu’à la victoire finale! Repose en paix Pierre.

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