Jour 25 de la campagne électorale québécoise. Au moment de lire ceci, vous saurez déjà qui aura le privilège de diriger le Québec et ses 8 millions d’habitants. En attendant le verdict final, laissez-moi revenir sur la notion de démocratie et ma compréhension du Québec de demain.
Les bonnes promesses
Tout d’abord, j’ai appris plein de choses intéressantes au cours de cette bataille pour le pouvoir. Alors que certains s’époumonent contre la hausse possible des tarifs de garderie de 7 à 10$, rappelons que dans les autres provinces, le tarif moyen atteint entre 30 et 40$ par jour!
Une autre statistique a aussi retenu mon attention: alors que l’Ontario possède des médecins de famille pour 90% de sa population, ce chiffre n’atteint pas 75% au Québec. En d’autres mots, un Québécois sur quatre n’a toujours pas accès à un médecin de famille, sans oublier la moyenne de 20 heures d’attente dans les urgences montréalaises. Il est urgent d’agir et le prochain gouvernement devra faire mieux qu’affirmer que c’est leur priorité (comme le PLQ en 2003).
La solution de Québec solidaire d’utiliser les CLSC (24 heures sur 24, 7 jours sur 7) est d’ailleurs une excellente idée pour permettre de désengorger les urgences et devrait être récupérée dès le lendemain de l’élection. Quant au PQ, sa pertinente promesse de terminer de numériser les dossiers médicaux des patients québécois (commencé sous les libéraux en 2005) est d’une terrible urgence. Le Québec est déjà en retard à ce sujet sur plusieurs pays dans le monde!
Parlons démocratie
Le 22 mars dernier, le sondage de cyberpresse.ca – le même site qui a fait controverse le 11 mars pour avoir censuré au milieu de la journée les résultats qui donnaient 64% de OUI (en augmentation) à l’indépendance du Québec le lendemain de la nomination de PKP comme candidat – demandait avec clarté: «Le Mouvement pour une démocratie nouvelle réclame une réforme du mode de scrutin afin que chaque vote compte. Estimez-vous que le système actuel reflète bien la volonté populaire?»
Sur 12 306 répondants, 13% ont dit Très bien, 28% Plutôt bien, 35% Plutôt mal et 24% Très mal. En d’autres mots, seulement 41% des personnes sondées croient que le système va bien (c’est à peu près le même pourcentage en moyenne que le nombre de gens qui s’abstiennent de voter!) alors qu’une majorité de gens (59%) estiment plutôt que le système n’est pas du tout adéquat.
Ce jugement n’est pas nouveau, même René Lévesque avait le profond désir en 1983 d’instaurer une forme de scrutin plus représentatif, présentant une loi à ce sujet dans son discours d’ouverture, mais fut retenu puis arrêté par les réticences de son conseil des ministres.
Le problème avec le modèle uninominal majoritaire à un tour, c’est que le parti qui obtient le plus de votes populaires n’est pas nécessairement celui qui va entrer au pouvoir! Par contre, avec un système proportionnel-mixte, un parti politique ayant eu 25% du vote obtiendrait automatiquement 25% des sièges à l’Assemblée nationale. En attendant, vous pouvez bien l’appeler «aristocratie élective» comme dirait Francis Dupuis-Déri, professeur de sciences politiques à l’UQAM, mais ne dites plus le mot «démocratie».
Le 8 avril au matin, peu importe le gouvernement qui sera aux commandes du Québec, il devra s’assurer d’écouter la volonté populaire.
J’entends mes amis dire «Je rêve qu’un jour je puisse voter non pas pour empêcher un parti de rentrer [PLQ], mais pour un parti qui a de bonnes idées et que j’apprécie… J’en ai marre de voter stratégique. Ça doit faire depuis que j’ai l’âge de voter que je vote ainsi!» C’est évident.
Or, nous avons été conquis par les armes en 1760 et, depuis, nous sommes coincés dans un système parlementaire britannique; il faut faire avec. Évidemment, la souveraineté du Québec est souhaitable à plusieurs égards, pour réformer nos institutions avec vigueur (abolition du poste de lieutenant-gouverneur par exemple), mais il faut le pouvoir pour ça.
Je suis pleinement conscient qu’on arrive à un carrefour crucial de la légitimité de notre démocratie et qu’il faudra s’arranger pour améliorer notre mode électoral vers un scrutin proportionnel-mixte ou bien à plusieurs tours. En novembre dernier, dans ma chronique «Docteur, j’ai mal à ma démocratie!», j’avais déjà souligné la désuétude de nos institutions parlementaires héritées de la Conquête britannique.
Pourtant, outre Québec solidaire, plusieurs autres organismes et regroupements québécois non partisans font la promotion d’une réforme complète de notre mode électoral: la Coalition des Sans partis, le Mouvement pour une Démocratie nouvelle, l’Assemblée des partis émergents du Québec, Démocratie directe Québec. Il ne serait pas temps de se rallier enfin? Il y a dix ans, les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques eurent lieu, mais le rapport fut aussitôt déchiqueté par Jean Charest…
En conclusion
Le 8 avril au matin, peu importe le gouvernement qui sera aux commandes du Québec, qu’il soit minoritaire ou majoritaire (péquiste espérons-le, et non mafieux libéral), il devra s’assurer d’écouter la volonté populaire plutôt que le patronat et les financiers de leur parti politique.
Autrement, le peuple québécois n’aura pas le choix de descendre à nouveau dans la rue pour exiger une véritable refonte de nos institutions dites démocratiques. Il est temps de faire cesser ce cirque électoral pour reconquérir nos droits, nos devoirs et, surtout, notre dignité. Redonnons le pouvoir au citoyen. À eux le gouvernement, pour quatre ans, mais à nous, pour toujours, la parole!