Les chroniques de la rentrée sont généralement les plus plates à écrire. Il ne s’est encore rien passé que l’on peut commenter, alors on finit invariablement par ressasser des banalités de «bon début d’année tout le monde!» Et tout ça, en plus de la pression supplémentaire du fait que c’est la première; c’est la première impression que les nouveaux vont avoir du journal et ce sera peut-être la dernière si on ne livre pas la marchandise.
Pour toutes ces raisons (et probablement aussi pour un peu exorciser cette pression justement), je vous offre ici une chronique de la rentrée qui porte sur les chroniques de la rentrée, une méta-chronique de la rentrée.
Le préfixe «méta» est utilisé pour désigner ce qui vient avant, ce qui est d’un niveau d’organisation plus général. Dans mon domaine d’études, la philosophie, on l’utilise beaucoup pour désigner un questionnement sur l’aspect général d’un type de questionnements.
Donc oui j’étudie en philosophie et j’utilise des grands mots. À mon avis un universitaire se doit d’utiliser des grands mots. Pas pour péter de la broue, mais parce que les grands mots ont tendance à être plus précis que les courts, à renfermer plus de subtilité. Et c’est une des différences entre les universitaires et les techniciens. Un universitaire a un devoir de rigueur intellectuelle et de précision.
Au cours de ma chronique, j’ai l’intention de ramener ces thèmes sous une forme ou une autre. Les vieux routiers de l’UQTR comme moi se rappelleront que mes prédécesseurs à cette chronique (et moi-même l’an dernier) dédiaient la majorité de leurs écrits à chroniquer les mauvais coups des élus de l’AGE. Si critiquer les élus est une fonction importante des médias, je pense que de simplement attaquer les décisions manque un peu de substance. Ça devient dangereux de tomber dans le chialage gratuit.
J’ai plutôt l’intention de commenter certaines situations de manière générale et de vous laisser vous faire une tête. Je vais donc passer du temps à vous parler aussi de ce qui se passe du côté de l’administration. L’UQTRien(ne) moyen(ne) n’a aucune idée de ce qui se décide dans le pavillon Pierre-Boucher et c’est fort déplorable.
Scandales langagiers
Je débuterai donc à l’instant avec une histoire qui a fait couler beaucoup de commentaires baveux sur Facebook cet été. Le département d’administration a annoncé un certain nombre de cours qui seraient uniquement proposés en langue anglaise. De manière fort prévisible, les défenseurs de la langue sont montés aux barricades pour dénoncer ce geste. Dans une université francophone! Quessé ça!
D’un autre côté, certains ont souligné que l’anglais est, après tout, la langue des affaires. Autant former les étudiants à travailler avec celle-ci tout de suite, c’est ce que les employeurs cherchent de toute façon.
J’ai personnellement un gros problème quand on me sort cet argument-là en particulier, la raison étant que si on se met à créer la formation uniquement en fonction de ce dont l’entreprise a besoin cette année, on tue la créativité. On fait des techniciens, d’élite certes, mais techniciens néanmoins. Des gens qui pratiquent un travail précis sans innovation, sans aller plus loin que les techniques apprises.
Cependant, l’anglais est bel et bien la langue des affaires et il est certainement pertinent d’être à l’aise au moins de la lire pour quelqu’un dans le domaine. En fait, cela serait vrai dans tous les domaines d’étude. L’imposante majorité de la publication scientifique se fait de nos jours en anglais. En corrélation, cela signifie que les lectures dans vos cours, les documents complémentaires à étudier et les sources de vos travaux de session seront majoritairement anglophones.
On aurait tendance à penser que cela constitue déjà une certaine forme d’immersion anglaise. Elle n’est bien sûr qu’au niveau de l’écrit, mais est-ce nécessaire d’aller plus loin? N’oublions pas que la vocation de l’UQTR est de fournir un enseignement de qualité dans la région, non nécessairement de servir de tremplin à une carrière internationale.
Il y a bien sûr aussi la question d’attirer des étudiants de l’extérieur de la région et de l’extérieur de la province. On tombe ici sur la question du clientélisme universitaire, dont je vais parler amplement au courant de la session. Celle-ci est complexe et je n’ai honnêtement pas l’intention de me casser la tête plus que ça pour la première chronique de la session. J’ai déjà assez manqué de frivolités, on gardera les questions plus techniques pour le prochain numéro. À dans deux semaines!