Avec le confinement généralisé dans lequel est dorénavant plongé le Québec, plusieurs d’entre nous font face à la peur et la solitude. La marche peut servir de rempart à tous ces maux et s’avérer le meilleur chemin pour retrouver notre humanité en ce temps de crise.
Nous avons rarement été enfermé-e-s aussi longtemps entre quatre murs. Bien sûr, nous pouvons faire du rattrapage dans nos lectures, mais pour certain-e-s, cette crise est très angoissante. La peur de contracter le virus peut causer beaucoup d’anxiété chez plusieurs. Certain-e-s perdront le sommeil à force de se demander de quoi seront faits les lendemains du Coronavirus.
Ruminer tout cela à l’intérieur de la maison peut affecter notre santé mentale et les relations avec nos proches. Il faut sortir et prendre l’air, à condition de garder ses distances avec nos semblables et ne pas prendre sa voiture pour rejoindre des sites de randonnées.
La marche est un excellent remède contre le stress et la dépression. De plus, étant l’activité physique la plus rudimentaire qui existe, elle peut s’adapter à tous les lieux et conditions. Et le plus important: elle permet aussi bien de découvrir le monde extérieur que notre propre personne.
Marcher pour découvrir son environnement
Tout le monde n’a pas la chance, comme l’auteur de ces lignes, d’avoir un boisé de quelques kilomètres derrière chez lui, mais tout le monde a une route devant chez soi qui peut mener à bien des découvertes. Ce mauvais moment peut se transformer en occasion de faire la connaissance de son quartier et de sa ville.
Avec nos vies réglées au quart de tour, nous passons toujours par les mêmes endroits pour aller au travail, à l’université ou ailleurs. Nous empruntons rarement des parcours différents pour nous rendre à destination. Marcher permet de découvrir de nouveaux lieux et de renouer avec la flânerie. De plus, nous sommes maîtres de notre vitesse en marchant. Nous pouvons nous arrêter pour observer quelque chose quand bon nous semble et repartir à notre gré.
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La dimension physique de la marche nous fait également prendre la mesure géographique et topographique des chemins mille fois utilisés en voiture ou en autobus. Les routes et les chemins sont rarement aussi plats que les transports motorisés nous en donnent l’impression. Les petits dénivelés exigent un minimum d’effort lorsqu’on se déplace à pied. Ainsi, nous acquérons une connaissance plus globale – voire physique – du territoire que nous habitons.
La marche est le moyen de transport par excellence pour faire le pont entre nos sens et la nature. Elle permet de nous fondre dans le paysage. L’écrivain norvégien Thomas Espédal décrit merveilleusement bien ce phénomène dans son livre Marcher : «En marchant nous épousons le rythme de la nature et nos pensées s’évanouissent, cèdent la place à une attention plus fine à tout ce que nous voyons, entendons et sentons. Nos pensées se transforment et se fondent dans ce qu’elles rencontrent».
Marcher pour passer au travers de la crise et se retrouver
Marcher permet de prendre de la distance face à nos problèmes et aux événements qui occupent nos vies, selon l’anthropologue David Le Breton dans son livre Éloge de la marche. Les problèmes ne s’envolent pas miraculeusement au bout de cinq minutes. Doucement au fil des pas, sans trop que nous le réalisions, notre esprit devient flottant et cesse de focaliser uniquement sur les choses négatives.
Certaines personnes vont arriver à s’oublier en regardant la nature et le décor, tandis que d’autres feront un voyage à l’intérieur d’eux-mêmes et de leur passé. Thomas Espédal se plaît même à dire dans son livre que plus la marche est éprouvante physiquement, plus les pensées seront profondes. Marcher peut faire apparaître des solutions, surtout si on cesse de réfléchir aux problèmes.
La lenteur de la marche nous ramène à notre condition d’homme. Se déplacer à environ 5 km/h est forcément une leçon d’humilité dans ce monde de vitesse. La planète redevient grande et les humain-e-s retrouvent la place naturelle qui leur revient.
Marcher est propice au recueillement. Bien sûr que la marche en ville est beaucoup moins silencieuse que celle en forêt, mais tout de même. Cesser de parler et marcher nous fait pénétrer à l’intérieur de nous. Les grands marcheurs qui ont fait des pèlerinages ou des treks abondent tous dans le même sens : marcher est un voyage vers soi-même. Passer de longs mois seul en parcourant quelques dizaines de kilomètres par jour est une épreuve d’endurance mentale et physique. Mais je le répète, pas besoin de traverser l’Amérique pour apprécier les vertus de la marche. Une simple promenade quotidienne fera de vous un être plus libre qui apprendra à penser par lui-même, grâce à une disponibilité d’esprit difficilement atteignable autrement.
David Le Breton explique que si la marche a un effet aussi puissant sur notre corps et notre psyché, c’est parce qu’elle est un élément fondateur de l’humanité. Les premiers pas d’un bébé sont un rite de passage très important. Il découvre sa condition d’humain par la marche. Dès lors, il n’est plus un bébé, mais un enfant, avec la promesse qu’il deviendra un adulte en santé. La marche est donc ancrée très profondément au cœur de notre individualité et de notre espèce. C’est par celle-ci que nous pouvons retrouver nos repères et notre véritable nature.