La plume de travers : Anéantir, un soupçon d’espoir

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Étienne Gélinas : La plume de travers. Crédit : Sarah Gardner.

Chose promise, chose due, la chronique de cette semaine traitera du dernier livre paru du célèbre auteur français Michel Houellebecq, et j’ai nommé Anéantir. En effet, en début d’année, l’imposante brique de 730 pages est sortie et a raflée toute l’attention des médias littéraires (et même généralistes) sur son passage. S’il est une chose que l’on peut toujours envier à la France, c’est que là-bas, les livres font évènement. Je vous livre désormais mon avis, après avoir terminé la lecture du mastodonte. 

Un magnifique objet

À prendre le bouquin dans ses mains, ce qui frappe d’abord, sinon sa taille, est son esthétisme épuré. Houellebecq aurait d’ailleurs travaillé lui-même à l’édition de son dernier livre – comme toujours paru chez Flammarion. Il s’agit d’un livre à la couverture rigide et blanche, au titre rouge entièrement inscrit en minuscule, et muni d’un marque-page simple de la même couleur.

Selon son auteur (et éditeur) tous les bouquins devraient ressembler à celui-ci; il s’agit pour lui de l’objet idéal. Et en tant que bibliophile (j’aime posséder mes livres et les ranger minutieusement dans mes étagères) je ne peux pas contredire Houellebecq. D’ailleurs, il existe même une version, tirée à seulement 200 exemplaires, sur papier vélin Rivoli. C’est 2000$ pour les intéresséEs!

Crédit : Lavoixdunord.fr

Une histoire de famille

Le huitième roman de Houellebecq suit l’histoire de Paul Raison, un énarque de l’État français proche du ministre des finances. Mais, contrairement à bien d’autres protagonistes de l’auteur, celui-ci n’est pas complètement isolé. Il vit avec son épouse, côtoie également sa sœur, son frère, son père et l’amoureuse de ce dernier; il exècre sa belle-sœur (méprisée à juste titre) et refait même connaissance avec l’une de ses nièces de manière atypique et désopilante (je laisse au futur lectorat le plaisir de découvrir cette rencontre improbable).

C’est en fait la maladie du père de Paul, qui sera dans un long coma avant de devenir carrément paralysé, qui réunira la famille autour du patriarche. S’en suivront de nombreuses réunions familiales, la confrontation des points de vue et même la fomentation d’actions illégales communes dans le bien de ce même père. Le tout se déroulant dans une magnifique maison de campagne situé dans le Beaujolais.

Même si les sagas familiales ne sont pas exactement un inédit dans le monde de la littérature, c’est bien le cas chez Houellebecq. En effet, ses autres protagonistes avaient systématiquement coupé les ponts avec leur famille – comme l’auteur lui-même. Mais cette famille réunie, malgré leurs divergences, marquent un point d’espoir dans la littérature houellebecquienne.

Un thriller politique

Cependant, Anéantir ne démarre pas d’emblée comme une saga familiale, mais plutôt comme un thriller politique. En effet, l’action débute alors que plusieurs attentats terroristes sont perpétrés, accompagnés de mystérieux messages sur internet. Le tout se déroule dans un futur proche ou un certain président (nous savons tous qu’il s’agit d’Emmanuel Macron, même s’il n’est pas nommé) termine son second quinquennat.

L’un des personnages visé par les vidéos du groupe terroriste n’est nul autre que le

Crédit: LeParisien.fr

ministre des finances pour qui travaille le protagoniste. En effet, dans une vidéo virale, son exécution à la guillotine est mise en scène. Ce dernier briguera pourtant le pouvoir à titre de premier-ministre.

C’est là, selon moi, l’aspect le plus intéressant du dernier roman de Houellebecq. Car, si parfois la saga familiale peut nous désintéresser de par sa durée (je rappelle que le roman fait plus de 700 pages), l’on veut toujours savoir quel sera la prochaine action du groupuscule inconnu – ainsi que son identité. Ainsi, sans jamais nous donner les palpitations conférées par un véritable thriller, Houellebecq maitrise assez bien le genre pour nous tenir accroché et nous faire tourner les pages.

Une once d’espoir pour la fin

Ce qui me laisse la plus forte impression dans le dernier roman de Houellebecq, c’est l’espoir qui semble habiter cet auteur en fin de carrière (il s’agirait vraisemblablement de son dernier roman). En effet, comme j’ai pu déjà le dire dans ma dernière chronique. Cet auteur est un pessimiste dressant un portrait plus que noir de l’Occident contemporain. Mais ici, les familles se réunissent, les amours renaissent, les conflit s’éteignent un instant pour laisser place aux liens du sang.

Le plus frappant quant à cet espoir est la fin du roman, frappé par la fatalité, mais illuminé par l’amour. Sans rien vouloir vous dévoiler, disons que le protagoniste se retrouve au plus mal. Mais une certaine relation perdue, mais retrouvée mettra un baume sur les plaies du monde.

Houellebecq a souvent critiqué notre monde moderne, obsédé par le sexe, le plaisir, détourné de tout projet collectif au profit de l’amour narcissique et individuel. Mais il témoigne brillamment dans ce dernier opus qu’à la tombée du jour, alors que le monde s’écroule, ce qu’il nous reste encore et toujours, c’est l’amour.

 

 

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