À l’aube de 2017, toutes les régions du Québec en matière d’éducation sexuelle sont contrôlées par les domaines de la médecine, de la psychologie et des autres sciences de la santé et de l’enseignement…
Toutes? Non! Un petit groupe d’irréductibles sexologues (étudiants et professionnels) résistent encore et toujours à l’envahisseur. Vous vous en doutiez sûrement, ou pas: vous n’êtes pas à la lecture du dernier Astérix, mais bien des tribulations d’un simple étudiant en psychologie. Avec stupeur et effroi, voire avec plaisir, certains d’entre vous s’exclameront peut-être: «chic, chic, chic, un Romain». Je vous rassure, mes premières amours, les seules, les vraies, vont à la sexologie, alors pitié, ne me tapez pas!
Engagez-vous! Engagez-vous qu’ils disaient!
Mes rêves de professionnel en sexologie ne tiennent qu’à un fil. Au fil des rencontres, des recherches et des questionnements, on m’assure que la sexologie n’est pas une excellente avenue pour qui veut décemment gagner sa vie, et encore moins ici, en région (Mauricie). Brisé par des perspectives d’emplois sombres et ternes, un choix difficile s’impose: poursuivre ou succomber à considérer comme un passe-temps cette science qui m’anime intrinsèquement.
Cette réalité ne m’est pas unique, au contraire. Combien de jeunes femmes et de jeunes hommes feront l’expérience d’une telle désillusion dans les années à venir? Suivez-moi dans ma réflexion et, qui sait, cela pourrait bien vous être utile à vous aussi.
La sexologie est une science et une profession unique et essentielle.
Un portrait désolant, mais où l’espoir est permis
Quand je regarde le Québec, je me désole et me console à la fois. Je suis fier des progrès faits par la sexologie depuis 1969. Les détracteurs d’hier et d’aujourd’hui peuvent bien dire ce qu’ils veulent: la sexologie est une science et une profession unique et essentielle.
Toutefois, lorsque je vois les comportements des membres de cette société: hyper sexualisation, homophobie, transphobie, violence sexuelle, augmentation du taux de transmission des ITS (rapport du directeur national de santé publique sur l’état de santé des Québécois, 2016) et j’en passe, je suis forcé d’admettre qu’il y a encore du travail à faire. Est-ce que comme société nous avons les ressources pour remédier à ces fléaux? La réponse à cette trop longue question est non!
Plus de formation, pour plus d’ouverture, mais…
L’apologie de l’éducation sexuelle n’est plus à faire. La sexualité touche tout le monde, ainsi que les comportements qui y sont liés. Beaucoup des enjeux de demain, qu’ils soient psychologiques, physiques, sociaux et économiques, en dépendent. Toutefois, la corde sensible demeure: à qui incombe la tâche délicate? Aux enseignantes et enseignants? Ils ont déjà le lourd fardeau d’éduquer correctement notre progéniture grouillante et parfois peu coopérative… Non, je ne crois pas!
Ce n’est pas parce que papa a déjà fait l’amour avec maman qu’il est un expert en sexologie…
Aux infirmières et infirmiers, voire, aux médecins de prendre le flambeau. Si l’épuisement professionnel ne les guette pas déjà, peut-être pourraient-ils prendre l’une de leurs trois heures de sommeil consécutives, de façon à assurer à nos bambins semi-boutonneux une éducation sexuelle digne de ce nom. De nouveau, la réponse est non!
Avoir une vie sexuelle n’est pas un gage de compétence!
Pourtant, beaucoup de parents considèrent que c’est leur rôle, et celui de personne d’autre, que de prodiguer ce genre de formation. Certes, maman peut réparer elle-même l’évier, ou encore, papa peut reproduire l’une des fichues recettes de Ricardo sans mettre le feu. Toutefois, le fait de savoir ou non cuisiner ne fait pas de nous des spécialistes en la matière. De même qu’être en couple et avoir déjà fait l’amour ne nous confèrent pas la science infuse. Alors pourquoi, comme société, tolérons-nous encore cet illogisme?
Trop souvent, les conseils reçus sont basiques et très peu développés sur l’aspect affectif de la sexualité, et c’est à Internet, dans cet océan de désinformation, que revient l’apprentissage du reste. Tout ce que le professeur Ron Jeremy m’a appris, c’est que tout ce qu’il faut pour avoir du succès, sexuellement parlant, c’est avoir un très gros pénis et une moustache proportionnelle à la taille dudit engin. Pour ma part, j’ai choisi la barbe! Tirez-en vos propres conclusions.
J’ai fait un rêve…
Oui, à l’instar du très peu célèbre Martin Luther King, j’ai fait un rêve, celui d’un monde où la sexologie prenait la place qui lui revient de droit, aux côtés des grandes sciences de la médecine et de la psychologie. J’ai fait le rêve où, tous unis, nous progressions vers un monde meilleur et plus sain. Vers un monde où la femme n’est pas la proie de l’homme, mais son égale, et ce, peu importe l’endroit, du monde où l’on se trouve. J’ai fait un rêve d’amour, de compassion de tolérance, un rêve qui rappelle, sans contredit, les valeurs que porte la sexologie. J’ai fait le rêve d’un monde un peu meilleur…