
La violence conjugale, c’est un thème avec son lot d’idées préconçues, d’autant plus qu’il y a encore un certain tabou à en parler librement. Ainsi, il peut devenir difficile de déceler le vrai du faux. Pourtant, c’est la base pour bien comprendre la réalité de ceux et celles qui vivent avec de la violence, et ce, au quotidien.
Un exemple de ces idées véhiculées de manière populaire est une chronique datant de décembre 2018, écrite par le «Chroniqueur» du Journal de Montréal. Celui-ci déplorait la mort de cette femme tuée par son mari violent. Pour l’instant, rien de significativement révoltant dans son discours. Cependant, il estime dans son analyse que ce sont des femmes qui manquent d’estime de soi qui se retrouvent prise au piège et qu’elles ont juste à partir.
Malheureusement, ce problème social est beaucoup plus complexe que cette simple explication. Il est devenu trop facile d’attribuer le manque d’estime de soi des femmes pour expliquer pourquoi elles décident de rester en couple avec un homme violent. En mon sens, c’est un raccourci intellectuel dangereux qui empêche de cibler la vraie base de la problématique.
Les victimes, juste des femmes?
Selon la définition des Nations Unies, la violence conjugale se définit comme «tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée».
Attribuer le manque d’estime de soi pour expliquer le fait de rester en couple avec une personne violente est un raccourci intellectuel dangereux.
Cette définition explique bien les conséquences de cette violence sur la personne qui la subit. Cependant, affirmer que ce ne sont que les femmes qui en sont victimes est une première fausseté. En effet, en 2014, 21,5% des victimes connues de la police au Québec étaient des hommes. Sachant que ceux-ci dénoncent ces cas que très rarement, souvent par manque de soutien de la part des autorités, il est facile de comprendre que ce taux est sous-représentatif.
De plus, être en couple avec une personne de même sexe augmente les risques d’en être victime. Plus précisément, un rapport gouvernemental sur la criminalité conjugale au Québec publié en 2012 révèle que ce sont les hommes gais et les personnes bisexuelles qui sont les plus à risque d’être victimes de violence de la part d’un partenaire de même sexe, et non les femmes lesbiennes.
Ainsi, la violence conjugale, qu’elle soit de type physique, sexuelle ou psychologique, affecte tout le monde et ne discrimine pas ses victimes selon le genre, le sexe, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique ou le revenu. Il y a effectivement des groupes plus touchés que d’autres, mais personne n’est complètement à l’abri.
Le cycle de la violence conjugale
Si le manque d’estime de soi de la victime n’est pas le seul explicatif du pourquoi la personne reste dans la relation malsaine, c’est qu’il y a plusieurs facteurs entrant en ligne de compte. En effet, le psychologue Lenore Walker a établi en 1979 la base du cycle de la violence conjugale. Il y a quatre étapes s’enchainant tant et aussi longtemps que la victime reste.
Premièrement, plusieurs conflits à l’apparence banals entrainent une montée de la tension, et l’abus verbal commence. La victime tente tant bien que mal de faire plaisir au partenaire pour calmer l’ambiance, mais il n’y a rien à faire. Cela continue jusqu’à la deuxième phase, l’explosion. C’est à ce moment que la violence corporelle, s’il y a lieu, est déclenchée. Cette dernière a souvent un rapport avec l’émotion ressentie par le partenaire violent. Quand cette phase est enfin terminée, l’abuseur.euse se justifie, et promet de ne plus jamais recommencer. Ainsi, lors de la dernière étape, la lune de miel, le couple va merveilleusement bien. L’abuseur.euse se rachète à l’aide de compliments, et parfois des cadeaux. Cela dure un temps, mais le retour à la case départ n’est qu’imminent.
Il est donc souvent difficile de partir pour les victimes, car l’espoir que le partenaire change réellement grâce à l’amour que celle-ci lui porte est puissant. L’attachement qui se crée dans le couple, souvent fusionnel, complique également les choses.
Ces abuseur.euse.s sont des fin.e.s manipulateur.trice.s de sorte que la victime n’a souvent plus aucun cercle social lorsque le cycle de la violence commence véritablement.
De plus, ces abuseur.euse.s. sont des fins manipulateur.trice.s de sorte que la victime n’a souvent plus aucun cercle social lorsque le cycle de la violence commence véritablement. Elle est donc dépendante de celui-ci socialement et souvent aussi financièrement.
Ainsi, même si la victime se dit que quitter la relation serait idéal, aucun moyen alternatif n’existe de prime à bord. Prendre cette voie s’avère donc très ardu. De plus, s’il y a des menaces de suicide ou de tuer la victime de la part de l’abuseur.euse, cela peut compliquer encore d’avantages l’acte de partir.
Briser le silence
Pour que l’on soit tous au courant des signes avant-coureurs, il faut en parler. Plusieurs de ceux-ci ne trompent pas, que ce soit la jalousie excessive, la possessivité extrême ou le fait de vouloir tout contrôler sur la vie de l’autre. Dans cette optique, la série Le Monstre sur Tou.tv, inspiré de l’histoire de la comédienne Ingrid Falaise, est à regarder. Un portrait réaliste et poignant de la réalité d’une femme vivant de la violence conjugale.
En terminant, nous devons aussi, et encore davantage, montrer des exemples de ce qu’est une relation saine, égalitaire et basée sur le respect.
Pour que ces histoires d’horreurs n’arrivent plus.
Ligne d’entraide pour les victimes de violence conjugale et leurs proches http://www.sosviolenceconjugale.ca/
Très belle chronique, sujet pertinent et d’actualités. Merci