
Lors de ma dernière chronique, j’ai avancé l’idée que, dans ma vision utopiste du monde, les élections du 3 octobre dernier seraient les dernières de l’histoire du Québec. Pourquoi? Parce que si l’on s’entend pour dire que le progrès social est crucial à la pérennité de nos sociétés, il est tout naturel de penser qu’un jour, l’idée d’un gouvernement, tel que nous le conceptualisons aujourd’hui, pourrait devenir obsolète.
De la même manière que le système d’éducation a pour vocation de former des citoyenNEs réfléchiEs et autonomes, le but premier du gouvernement devrait être de construire les assises d’une société qui saura perdurer à travers le temps et d’encourager le peuple à développer les outils et les connaissances nécessaires pour vivre de façon autosuffisante. Notre système de gouvernance actuel est articulé de manière à ce que la population demeure toujours dépendante de ce dernier. À moins de faire partie des franges plus fortunées de la société, il est presque impossible de passer une journée sans que l’on ait recours à une instance gouvernementale ou à quelque chose qui en découle. Plutôt que d’encourager les citoyenNEs à se responsabiliser, notre système politique crée l’effet contraire.
Un système de l’inaction et de la passivité
Bien qu’il y ait des situations où les initiatives citoyennes forcent le gouvernement à passer à l’action (pensons, par exemple, aux mouvances féministes, au printemps érable, etc.), ce n’est certainement pas la façon habituelle de procéder. Comme on a pu le voir avec le gouvernement caquiste des quatre dernières années, plusieurs choses peuvent se passer au niveau politique sans que cela ne représente la volonté du peuple.
Je l’ai mentionné dans ma dernière chronique et je le répète: l’un des problèmes actuels de la société québécoise est que nous n’avons pas de projet de société. Cela fait en sorte qu’au final, nos attentes envers notre gouvernement sont vraiment très peu élevées. Je dirais même qu’il y a certainement une forme d’indifférence qui habite le peuple face à celui-ci. Si ce n’est de l’indifférence, qu’est-ce qui peut expliquer qu’il y ait près de 35% de la population qui ne soit pas allé voter le 3 octobre dernier?
Pour les autres, soit le 66% qui est allé voter, combien ont eu l’impression que leur voix ne pouvait être entendue par notre mode de scrutin? Je ne sais pas pour vous, mais les sentiments qui m’ont hanté après la réélection de la CAQ frôlaient le désespoir.
Bref, ce que je tente de dire ici, c’est que cette indifférence, cette absence de projet collectif, fait en sorte que nous n’avons que très peu d’exigences envers notre gouvernement. Plutôt que de lui dicter ce que nous voulons, nous le regardons voter des projets de loi plus débiles les uns que les autres sans que l’on ait notre mot à dire. Lorsque nous constatons que le système de santé va à la dérive, que le système d’éducation est en chute libre et que nos taxes contribuent à financer des tunnels non-nécessaires, nous blâmons l’inaction du gouvernement. Mais, qu’en est-il de l’inaction et de la passivité du peuple?
La non-gouvernance comme solution à l’indifférence
Bien que certaines personnes argumenteraient que nous ne sommes pas en position de pouvoir, il reste que nous acceptons collectivement d’être gouvernéEs par des éluEs qui, à la fin, n’œuvrent pas réellement pour le bien commun. Si la société québécoise n’est pas utopique, c’est bien que parce que nous acceptons et que nous permettons qu’elle soit tout autre. Nous rejetons la faute sur le gouvernement, sans voir que nous sommes aussi coupables.
Dans un sens, c’est comprenable que nous le soyons aussi. Nous sommes amenés à remettre notre pouvoir personnel dans les mains de l’autorité suprême (le gouvernement) qui prend toutes les décisions et, par le fait même, nous libère de ce fardeau. Or, les choses devraient être différentes: si nous vivions dans une utopie, nous serions, en tant que communauté, derrière chacune de ces décisions. Si nous étions réellement des êtres autonomes, nous ne resterions pas passifs et passives face à l’inacceptable. Parce que oui, je pense que c’est inacceptable de constater que nous avons laissé notre tissu social et nos institutions s’effriter de cette façon.
Un Québec où le peuple ferait la loi serait un Québec où tous et toutes travailleraient ensemble pour faire progresser la société. Comme un parent qui a pour objectif de voir grandir sa progéniture et, éventuellement, d’être surpassé par celle-ci, le gouvernement devrait avoir pour mission première de tout faire pour en venir à disparaître, puisqu’il est devenu superflu. Dans une société où les citoyenNEs, tous et toutes habitéEs par ce projet commun de société, sauraient mettre leurs connaissances et leurs habiletés de l’avant pour construire une nation utopique, le concept même de gouvernance serait d’une absurdité sans nom.