Les déboires des ministres libéraux n’ont pas fini de faire couler de l’encre. S’il est de notoriété publique que le ministre Barrette peine bien souvent à se tenir éloigné du scandale, c’est toutefois au tour du ministre Bolduc d’oublier de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.
La naissance d’un scandale
Le 13 février dernier, une intervenante et la directrice de l’école secondaire de Neufchâtel demandaient à une jeune adolescente soupçonnée de vendre de la drogue de se dévêtir derrière une couverture.
La jeune fille n’aurait pas été vue par qui que ce soit d’autre que la directrice d’école et personne ne l’aurait palpée. Seuls ses vêtements auraient été, au final, fouillés. Pourtant, celle-ci affirme s’être sentie intimidée, voire violée par la mesure. Il est d’ailleurs intéressant de tenir compte du fait que rien n’a finalement été retrouvé sur la jeune fille.
Là où l’histoire devient encore plus scabreuse qu’elle ne l’est déjà, c’est que la jeune fille aurait demandé à deux reprises de contacter sa mère, ce qu’on lui aurait catégoriquement refusé. La procédure de la fouille à nu semble pouvoir passer de l’institution carcérale à l’institution scolaire, celle de l’appel, pourtant, ne semble pas être en mesure d’en faire tout autant.
La famille de l’adolescente, toutefois, n’entend pas en rester là. Me François-David Bernier, avocat de la famille, soutient que la direction de l’école aurait mal interprété les directives gouvernementales. De fait, la famille de la jeune fille ira de l’avant avec une poursuite civile contre l’école secondaire et la commission scolaire.
La fouille à nu
Si elle n’émeut personne lorsqu’utilisée en milieu carcéral, on ne peut affirmer qu’elle provoque la même indifférence lorsqu’elle est pratiquée en milieu scolaire sur une jeune adolescente.
Selon Lorraine Normand-Charbonneau, présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), les fouilles d’élèves et de leurs effets personnels sont autorisées depuis 1998 par un jugement de la Cour suprême.
Or, bien qu’autorisées, les fouilles ne demeurent utilisées qu’en des cas exceptionnels et la mise à nu est rarement requise. Les fouilles peuvent parfois être nécessaires au bien-être et à la sécurité des autres élèves. Les fouilles à nu, toutefois, demeurent extrêmement dénigrantes, voire traumatisantes pour qui les subit.
Un pied dans la bouche et peut-être même dans la gorge
La controverse a atteint son apogée lorsque, le 17 février dernier, le ministre Bolduc déclarait: «Il est permis de faire des fouilles à nu, à une seule condition, il faut que ça soit très respectueux, il y a un cadre qui doit être respecté.»
Seriez-vous en mesure de m’expliquer, M. Bolduc, dans quel contexte il est acceptable de demander à une adolescente de se dévêtir pour être fouillée, sous prétexte qu’on la soupçonne de vendre de la drogue? Pouvez-vous me dire à quel moment il vous a semblé justifié de demander à une jeune fille de se mettre nue devant de purs inconnus.
Je sais. Vous vous êtes déjà penché sur la question. «Il y a des raisons pour lesquelles on peut être obligé de faire des fouilles, mais l’important, c’est qu’on respecte la loi et qu’on respecte le cadre qui a été émis et que ça se fasse dans le respect de la personne.»
Les fouilles à nu, toutefois, demeurent extrêmement dénigrantes, voire traumatisantes pour qui les subit.
Le respect. L’important est de respecter le cadre et la personne, nous dit-on. J’ai beau regarder la situation sous tous les angles possibles, la fouille à nu, si elle peut se dérouler dans le respect du cadre, ne peut absolument pas se dérouler dans le respect de la personne.
Pour ce qui est des raisons qui obligent une direction d’école à fouiller à nu une adolescente, permettez-moi d’emblée d’être consternée. M. le ministre affirme-t-il réellement que la sécurité des autres élèves était menacée par quelques grammes supposés de marijuana?
Ne vous méprenez pas quant à mon propos. Je suis loin d’être pour la drogue ou sa légalisation. Néanmoins, si vous me permettez la tautologie, les adolescents resteront toujours des adolescents. La drogue, aussi néfaste puisse-t-elle être, ne menace en aucun cas la sécurité des autres élèves, si ce n’est que celle de ceux qui en consommeront délibérément.
Une démission qui n’émeut personne
Jeudi le 26 février dernier, Yves Bolduc remettait sa lettre de démission, laissant, de fait, le comté de Jean-Talon orphelin. La loi oblige le gouvernement Couillard à lancer des élections complémentaires dans les six mois suivant le dépôt de la lettre.
Après les démissions respectives de Nathalie Normandeau, de Line Beauchamp et d’Yves Bolduc, peut-être serait-il temps pour le Parti libéral de prendre conscience que l’éducation ne doit pas être prise à la légère et, qu’au contraire, elle doit demeurer la base de la société si nous voulons former des citoyens en mesure de la rendre meilleure.
Par ailleurs, il est curieux de constater qu’un scandale n’attend pas l’autre au cœur du Parti libéral depuis quelques mois. La majorité du Parti libéral aurait-elle, comme c’est trop souvent le cas, signé son arrêt de mort?