Aplomb (n.m.)
Direction perpendiculaire au plan de l’horizon.
Équilibre entre diverses tendances, différentes forces opposées: La société n’avait pas retrouvé son aplomb.
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Que puis-je aborder d’autre, en cette dernière parution, que les résultats de nos dernières élections? Sans doute devinez-vous mon air, en ce 8 avril au matin, en ouvrant ma porte devant le ciel gris et lourd. Vous me connaissez un peu plus, maintenant. Vous savez bien que je le vois comme un ciel de mauvais augure. «Le ciel est bleu, l’enfer est rouge», disait Duplessis. Et bien le ciel est tombé, et il ne tirait plus vraiment sur le bleu. On baigne maintenant dans un mélange nauséeux des deux. Je ne vois plus grand chose de clair dans tout ça, plus grand chose de lumineux.
Nous avons eu la preuve qu’en vérité, tout se joue sur la peur. Deux peurs s’affrontent: la peur du changement, et la peur qu’il n’y en ait pas. Il y a ceux qui sont rassurés de se retrouver dans leurs vieilles habitudes libérales. Qui sont calmés à l’idée d’être dirigés par un médecin qui parle d’économie. Pas de grands changements, pas de référendum dans un lointain horizon, pas de chicane. Pas besoin d’avoir peur à leurs impôts ou à leurs paradis fiscaux. Pas besoin d’avoir peur à leur pétrole ou à leur clinique privée.
C’est drôle comme on prépare bien la tempête, quand on a peur du changement. Personne n’aura mieux paré le terrain pour le chaos que les conservateurs et, paradoxalement, c’est la peur de celui-ci qui justifie leur existence. Tout se fonde donc sur la peur, et elle opère assez bien lorsqu’on brandit l’argument de la dette. Dorénavant, on semble absolument tout comprendre en termes économiques, au Québec.
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Et pourtant. À force de creuser le fossé entre les riches et les pauvres, de remettre à plus tard le bien-être des plus démunis… À force de tenir trop fort nos acquis, de recaler la classe moyenne ou de rabrouer les étudiants, il se crée une autre forme de dette. Une dette sociale. Et, on nous le répète assez souvent, les dettes peuvent un jour mener à une crise. Mais une crise sociale, ça fait plus mal qu’une crise économique. Une faillite sociale, imaginez-vous? Fermeture des comptes, ciseaux dans les cartes de crédit, consolidation des dettes: c’est l’avènement d’une révolution. À force de faire des choix qui ne favorisent pas la majorité, on alimente la colère, mais aussi un espoir féroce. L’espoir de rebâtir à neuf, d’ouvrir un nouveau compte sans aucune tache à son dossier. L’espoir de faire de nouveaux investissements plus intelligents. Pour nos enfants. Ça fait bouger cet espoir-là. Cet espoir-là fait résonner les casseroles et les chants dans les rues, et pas seulement au printemps.
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Le Québec, c’est un dossier qu’un fiscaliste verrait apparaitre sur son écran avant d’enlever ses lunettes et de soupirer de découragement. Un dossier compliqué. Plein de singularités et de détails à considérer. Un dossier étendu sur plusieurs années, avec des investissements contradictoires et des locataires divergents. Le dossier saturé d’ambiguïtés, celui que personne ne veut régler. On ne sait plus trop ce qui prime, dans le Québec de 2014: les droits individuels ou l’émancipation identitaire. On ne sait plus si on doit penser à son cul ou au Québec en entier. Huit millions de Québécois qui se convainquent à chaque élection qu’ils sont huit millions de solitudes…
Le Québec reste donc dans le classeur du grand boss. Le nez écrasé contre les parois du casier. Le document le plus épais, embarré, entre les fichiers des autres provinces. Entre deux dossiers gris-bitumineux rédigés en anglais.
Le Québec reste donc dans le classeur du grand boss. Le nez écrasé contre les parois du casier. Le document le plus épais, embarré, entre les fichiers des autres provinces. Entre deux dossiers gris-bitumineux rédigés en anglais.
On réduit tout à l’économie, on ne voit plus rien, le compte chèque devant les yeux. Comme si les arguments monétaires étaient les plus solides. Mais la vérité, c’est qu’aucun pays d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique du Sud n’a réalisé son indépendance pour des raisons économiques, jamais.
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Je ne sais pas pourquoi on est aussi peureux au Québec. En fait, je m’en souviens. Notre histoire empreinte de trahisons et d’espoirs déchus à 50,58% y est certainement pour quelque chose. On veut pas lâcher notre mère: à chaque fois qu’on a fait nos valises, on s’est cassé la gueule dans le cadre de porte. On se croit dépendants, incapables et faibles. On angoisse à l’idée d’être laissés à nous-mêmes. C’est l’allégorie de la caverne canadienne.
Pourtant, je nous considère plus cohérents que le Canada en lui-même. Nous existons, que ce soit par notre histoire, notre culture, notre langue, notre géographie, nos ressources naturelles. Je me demande bien elle aurait l’air de quoi, notre mère de ROC si le Québec quittait le nid. Ce qu’elle exposerait de sa culture, sans le sirop d’érable et les orignaux. Sans castors, sans ceintures fléchées, sans Céline Dion. Le Canada serait canadien… ou américain?
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Aplomb (n.m.)
Péjoratif. Audace, hardiesse effrontée; toupet, culot: Ne pas manquer d’aplomb.
Stabilité contrôlée permettant à un danseur aussi bien le départ précis d’un mouvement que sa conclusion.
Ça m’a fait du bien, être effrontée avec vous. Merci.
Plutôt confus, ce texte (et pas audacieux ni effronté).
C’est devenu un cliché, que la gauche Québécoise, lorsque les élections ne vont pas dans le sens qu’elle veut… critique les électeurs au lieu de faire son auto-critique. 3 ans plus tard, les Québécois ne semblent pas plus attirés par les propositions que vous défendez, qu’ils ne l’étaient au moment où vous avez écrit ces lignes. Et pourtant, avec les coupures budgétaires violentes que nous avons connus sous les Libéraux, il y aurait eu une belle opportunité de croissance pour un parti d’opposition habile. Mais une telle alternative politique viable n’existe pas présentement au Québec, et à vous lire, on comprend bien pourquoi.
Dommage que votre série d’articles si bien écrits se termine sur une telle note d’amertume et de frustration, à part ça.
Dans cette chronique confuse, je ne crois pas affirmer qu’un partie de gauche se distingue et soit là pour nous sauver. Je ne parle pas de parti ni d’une solution magique, mais d’espoir et d’indépendance comme les moteurs de la contestation et du changement qui se font sentir de plus en plus au Québec, je le crois aujourd’hui encore. C’est qui qui fait preuve d’amertume ? Celui qui croit qu’il n’y aura jamais de changement parce que les Québécois sont caves et qu’aucune option viable n’existe, ou la personne qui veut croire que la répression nourrit l’espoir de changement ? Je trouve étonnant de lire que mon texte incarne un cliché parce qu’absence de critique de la gauche, alors que dans la chronique précédente, je critique QS et la participation de Françoise David aux débats québécois comme malhabile, sur-intellectualisée, qui s’éloigne des gens et de leur compréhension, qui frôle la naïveté et manque de front. Finalement, l’amertume, la frustration, et le cynisme sont des thématiques que j’ai exploité de ma première chronique à ma dernière, rien de bien nouveau sous les nuages 🙂