J’espère ne surprendre personne en affirmant que nous devons nous défaire au plus vite de notre addiction au pétrole. Il est à l’origine de nombreux maux : guerre, pauvreté, pollution, etc. C’est un poison pour nous. Bien que l’on ne puisse nier qu’une part du progrès accompli jusqu’ici est dû à cette ressource, le progrès de demain se fera sans. Ce n’est pas pour rien qu’on en parle comme un combustible fossile: il appartient au passé. Ici, je ne parle que de pétrole, mais il a deux proches cousins: le charbon et le gaz naturel.
Un article récemment publié sur le blog Roulez Électrique, intitulé La fin de l’ère du pétrole, rapporte les propos de l’ancien ministre du Pétrole et des Ressources minérales de l’Arabie Saoudite, le Sheikh Ahmed Zaki Yamani : «Dans 30 ans, il y aura une quantité phénoménale de pétrole, mais aucun acheteur. Le pétrole sera laissé dans le sol. L’âge de pierre s’est terminé un jour, et ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de pierres. L’ère du pétrole s’achèvera aussi éventuellement, et ce ne sera pas parce qu’il n’y aura plus de pétrole». Ces paroles semblent d’avant-garde, particulièrement pour un Saoudien, d’autant plus qu’elles ont été prononcées en 2000.
L’épuisement de la ressource
La fin du pétrole ne viendra pas de l’épuisement de la ressource. La communauté scientifique est sans équivoque: ce fossile doit rester sous le sol si nous voulons contenir le réchauffement climatique sous la barre du 2°C. Un autre article, paru dans la célèbre revue Nature, énonce qu’il faudra abandonner le tiers des stocks de pétrole, la moitié de ceux de gaz naturel et 80 % des stocks de charbon connus. Au Canada, nous devrons laisser 75 % des stocks connus de pétrole sous terre. Nous n’aurons pas le «luxe» de l’épuiser: il restera à sa véritable place.
La crise
Sortir du pétrole ne se fera pas sans peine, les pétrolières ne nous laisseront pas la chose facile. Se défaire de cette addiction nécessitera une révolution, et comme toute révolution, elle sera précédée d’une crise. Peut-être sommes-nous déjà dans cette crise qui mettra fin à l’ère du pétrole. La situation est critique pour plusieurs sphères de la société; économique, sociale et environnementale.
Au cours de l’année 2015, le prix de l’or noir est descendu à des niveaux étonnamment bas. Certains ont même parlé de risque de récession majeure dans l’industrie pétrolière. À quoi doit-on cela? La force du dollar américain y est pour quelque chose, mais l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) y est pour beaucoup. Celle-ci a dernièrement décidé d’inonder le marché, voire de le noyer. La tactique est simple: il vaut mieux faire moins de profit sur un plus grand nombre de barils. Dans l’optique où la demande disparaîtra vu le climat politique actuel, ils gardent l’offre élevée. Ainsi, le prix du pétrole est bas et les consommateurs s’en donnent à cœur joie. Ils espèrent reporter le début de la fin.
Bien que ce type de gestion permette aux gros joueurs de réaliser des profits, les plus petits producteurs ne pourront plus exploiter leurs stocks puisqu’avec ces prix, l’exploitation n’est plus rentable. C’est exactement ce qui s’annonce pour le pétrole canadien. Le magnat du pétrole l’avait prédit: un jour, il y aura toujours beaucoup de pétrole, mais il n’y aura plus aucun acheteur. Ce jour approche.
Le pétrole ne déstabilise pas que l’économie, il trouble la paix sociale. En plus de financer à coup de plusieurs dizaines de millions de dollars des organisations terroristes comme l’État Islamique et de causer des guerres entre des grandes puissances pour des puits de pétrole, l’or noir est source d’inégalités sociales. L’exemple de l’Angola, deuxième plus grand producteur de pétrole d’Afrique, est frappant. Bien que le pays montre une croissance économique des plus rapides, l’ONU estime que de 60 % de la population n’a pas accès à l’électricité, moins de la moitié a accès à l’eau potable et plus du quart de la population active est sans emploi.
«L’âge de pierre s’est terminé un jour, et ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de pierres. L’ère du pétrole s’achèvera aussi éventuellement, et ce ne sera pas parce qu’il n’y aura plus de pétrole.»
Le Ministère des Affaires Étrangères de la Belgique conseille de ne pas visiter Luanda, la capitale angolaise, dû à sa criminalité particulièrement violente et croissante. Celle-ci est attribuée en grande partie au chômage résultant d’une économie fondée presqu’exclusivement sur le pétrole. Dans les pays exportateurs, l’or noir ne profite qu’aux plus riches au détriment des pauvres. Comme si ce n’était pas assez, ces derniers doivent conjuguer avec les problèmes de pollution issus de l’exploitation pétrolière. Il ne faut plus parler d’un fossé entre les riches et les pauvres, mais bien d’un canyon.
L’environnement aussi est en crise : la planète souffre et sur la liste des accusés figure le pétrole. On lui attribue notamment des contaminations à large échelle des eaux et des sols, la pollution de l’air, la perte de biodiversité et beaucoup plus. Il est aussi responsable d’une part importante de la crise des changements climatiques. On le sait, sa combustion émet des gaz à effet de serre qui contribue à réchauffer le climat. Pour ceux qui en doutent, je consacrerai une future chronique à vous convaincre de la crise des changements climatiques et de l’impact de l’homme dans celle-ci.
Confortons-nous, l’humanité est en crise, tant économique et sociale qu’environnementale, et cette crise pourrait être celle qui mettra fin à l’ère du pétrole. Une révolution s’amorce, mais rien n’est joué. Il faut d’abord laisser le pétrole sous le sol, où sa place est vraiment. Nous aurons à changer nos habitudes car le pétrole est partout. Heureusement, les alternatives sont aussi partout; l’eau, le vent, le soleil, les biocarburants, les bioplastiques, etc. Notre salut se trouve dans l’innovation, puisqu’après tout, c’est l’arrivée du bronze qui a mis un terme à l’âge de pierre. On doit faire ce que l’homme fait le mieux: s’adapter.