
Le Monde de Milo attirait mon regard en librairie depuis la parution du premier tome au printemps dernier. Quelque chose me tentait, mais, en même temps, me faisait hésiter jusqu’ici. L’hésitation était peut-être due au fait que cette jolie bande dessinée pourrait être classée tant dans la section fantastique que jeunesse. Mon fantastique, je l’aime épique et noir, et je suis plutôt blasée des contes de jeunes garçons abandonnés qui trouvent un passage vers un autre monde, où ils trouveront leur Destinée. Mais, je n’ai vraiment pas envie de me prendre la tête ces temps-ci et je me suis dit qu’il valait peut-être mieux laisser la chance au coureur, même si la prémisse n’est pas des plus originales. Il faut dire que c’est avant tout le fabuleux coup de crayon fluide et animé de Ferreira qui m’a convaincue de dépenser. L’autre argument de vente? L’aventure sera complète lorsque le deuxième album paraitra cet automne.
Conte classique
Conte fantastique chinois adapté en bande dessinée par Marazano, le Monde de Milo affiche des influences asiatiques, toutefois bien ancrées dans un décor et un scénario typiquement occidental. L’effet est réussi et, combiné aux panoramas de nature, aux créatures inquiétantes ainsi qu’au graphisme dynamique de Ferreira, il n’est pas sans rappeler les riches univers de Hayao Miyazaki. Ce conte aux thèmes universels est présenté de façon très classique: un jeune garçon d’une douzaine d’années, débrouillard, curieux et volubile, laissé à lui-même dans une maison aux abords d’un lac en pleine nature — son père étant souvent absent pour le travail. Trois vieilles tantes veillent sur lui et laissent entendre par leurs dialogues que quelque chose de grand l’attend. Comme son père avant lui? Nous le découvrirons peut-être dans la suite. En pêchant des écrevisses, Milo découvre dans son lac un trésor qu’il s’empresse de rapporter à la maison. Il se rend vite compte que le lumineux poisson d’or qui en éclot et qui grandit à vue d’œil est convoité par des créatures louches qui rôdent aux alentours. Des créatures monstrueuses, certes, mais qui sont légèrement trop polies et candides pour être véritablement terrifiantes. L’esprit vif, Milo réussit à les tenir à l’écart suffisamment longtemps pour découvrir et libérer leur prisonnière Valia, une jeune fille au tempérament frondeur, puis avec son aide, de se sauver sur le lac. Une tempête inattendue les surprend sur le lac, et ils sont transportés vers les profondeurs puis vers une autre rive où, le lecteur sait, une grande aventure l’attend.
Trêve de bavardage
Je comprends mieux maintenant mon ambivalence du départ. J’ai eu l’impression d’être lancée sans préambule dans l’histoire puis trainée par la main tandis que j’aurais aimé pouvoir profiter un peu du paysage, m’immerger dans les univers de ce lac à deux surfaces. Les personnages sont des archétypes bien définis, il fallait s’y attendre dans un conte, mais malheureusement, je ne les ai pas trouvés attachants. Les dialogues et autres interventions textuelles sont trop présents et j’ai eu la mauvaise impression de me faire entrainer dans l’histoire sans jamais me sentir engagée. Le scénariste aurait bien fait de laisser parler un peu plus les images sublimes du dessinateur et de ne pas se sentir obligé de tout expliquer, en long et en large, à son jeune lecteur. Pleines pages, contre-plongées, panoramas, lignes d’action, onomatopées intégrées, le scénario aurait été mieux servi si on avait plus de place à la narration graphique qui possède déjà tous les ingrédients pour informer et entretenir l’intérêt son lecteur. Comparativement à une œuvre de Miyazaki, le Monde de Milo manque de temps de contemplation, des moments plus lents qui feraient un contrepoids au récit haletant, qui donnerait au lecteur le temps de s’inquiéter pour les protagonistes.
Un peu d’espoir pour la suite
Je ne fais très certainement pas partie du lectorat cible. Cette première partie du diptyque est un concentré d’action, et le flot de paroles incessant est peut-être à propos pour l’histoire d’un préadolescent qui ne tient pas en place plus de deux minutes. Je trouve quand même que l’introduction était trop pressée, comme si on avait trop coupé au montage. Je suis restée sur mon appétit et je me surprends à souhaiter quand même qu’on ait bien voulu en faire trois tomes plutôt que deux. Ce n’est pas un si mauvais signe, au fond. Tous les ingrédients pour une réussite s’y trouvent, mais on dirait que le gâteau lève si vite qu’on a peur qu’il s’affaisse aussitôt. J’ose espérer que la suite et fin à paraitre dans les prochaines semaines nous réservera la belle surprise d’un dénouement à la hauteur des attentes créées.
Thématique pour l’Halloween à nos portes, Le Monde de Milo plaira à des jeunes qui ne sont pas naturellement attirés par la lecture. Quelques bons frissons et éclats de rire seront pour eux au rendez-vous.