Mieux vaut en lire : Petites révolutions qui font Boum

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Photo : Courtoisie

Comme le plus grand rassemblement mondial pour le 9e art, le 40e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, vient tout juste de se terminer et que la bande dessinée québécoise y était nettement sous-représentée dans la compétition officielle, j’ai envie de vous présenter une bédéiste, auteure, blogueuse, cinéaste d’animation et illustratrice québécoise qu’il faudra absolument surveiller : Samantha Leriche-Gionet, alias Boum.

Celle qui avait plutôt travaillé dans le domaine de l’animation après avoir étudié en dessin animé au Cégep du Vieux-Montréal puis en cinéma d’animation à l’Université Concordia avait fait paraître quelques planches parmi des collectifs, mais ne s’était jamais vraiment attaqué à la bande dessinée, qu’elle trouvait plutôt intimidante.

Le 1er février 2011, elle se fait prendre au jeu de la bédé en strips pendant le Hourly Comic Day auquel participaient certains de ses amis. C’est là que sont véritablement nées les Boumeries, des gags autobiographiques en deux, trois ou quatre cases, de petits instantanés du quotidien de sa vie de couple ou l’illustration de ses rêves (souvent étranges).

Comme le défi est ouvert à tous, la qualité des bédés qui en sortent sont assez inégales, mais dès sa première incursion en 2011, Boum s’est démarquée du lot et a gagné un lectorat (anglophone) qui lui en demandait encore plus. Elle est fidèle au poste depuis ce temps. En effet, les Boumeries sont mis en ligne trois fois par semaine, les lundis, mercredis et vendredis, avec une assiduité sans faille et puis, une fois par année, elle autoédite ses bédés en recueils papier en format à l’italienne qu’elle rend aussi disponibles en français.

Il y en a deux pour le moment, qu’on peut acheter chez son libraire préféré ou via son site web. Malgré le sujet plutôt léger (ces temps-ci, elle raconte sa grossesse), sa grande rigueur jumelée à un véritable talent pour l’image, la dynamique et la séquence des cases ainsi qu’un bon sens du punch donnent un résultat tout à fait pétillant. Son style de dessin, aux lignes claires, simples, confirme sa solide maîtrise technique, de la mise en page à l’étonnante expressivité de ses personnages.

Boum surprend aussi par l’aisance avec laquelle elle manie le drame. En 2012, avec La Petite révolution, elle a été la première gagnante du concours Anticyclone, organisé par Front Froid, un collectif qui œuvre depuis quelques années déjà à l’édition et à la promotion de la bande dessinée québécoise et qui offre aux auteurs une plateforme alternative pour diffuser leurs oeuvres.

Une petite fille à la force insoupçonnée

La Petite révolution, c’est l’histoire de Florence, une enfant orpheline de la trempe du Gavroche de Victor Hugo, qui doit se battre tous les jours pour manger et pour prendre soin des plus faibles qu’elle. La nouvelle graphique a pour décor un pays totalitaire où le pauvre peuple suffoque dans une époque volontairement incertaine, marquée par la révolution industrielle.

Florence n’a qu’une seule richesse, un vieux disque de Boris Vian qu’elle peut écouter chez son ami l’antiquaire. La Petite révolution, c’est aussi l’histoire d’une enfant qui n’a pas le loisir de jouer aux poupées, qui ne comprend pas grand-chose à la politique ou à la révolution si ce n’est qu’il faut désobéir au Président pour tenter de protéger et de libérer ceux qu’elle aime.

Dans un sens, la petite révolution n’est pas si petite, elle s’élève de façon insidieuse et a comme vecteur une toute petite fille à la force insoupçonnée, forgée par la douleur et par la faim, et qui tente tant bien que mal de briser le cercle vicieux de la violence perpétuelle. En trame de fond, la musique et les paroles du Déserteur de Vian soutiennent le récit comme un fil conducteur.

Ce conte noir et triste, inspiré des Misérables et des dictatures de l’ex-URSS, fait ressortir de profondes valeurs humanistes avec la quête de liberté d’un peuple opprimé. Il s’agit d’un court roman graphique au thème coup-de-poing, qui remue le lecteur longtemps après qu’il ait refermé l’album. Boum nous livre une petite bande dessinée toute simple qui remue les fondations des grandes idées révolutionnaires et qui ramène au premier plan l’enfant qui souffre au nom de ces grands idéaux, quels qu’ils soient.

Le découpage, les décors et les prises de vue que Boum choisit nous projettent dans l’histoire en peu de pages. Ses personnages sont bien campés et prennent vie dans les planches, leurs expressions étant cernées en très peu de traits. Son style de dessin, façonné au fil des films d’animation sur lesquels elle a travaillé, se prête drôlement bien au sujet, aussi sombre soit-il. Le seul bémol à noter, c’est la qualité d’impression numérique de l’album qui donne à l’image et au texte un effet pixellisé. La belle oeuvre de Boum méritait mieux, mais heureusement, la qualité du papier et de la reliure souple était au rendez-vous.

La Petite Révolution, Front Froid, 2012

Boumeries vol. 1 et 2, 2011 et 2012

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