Comme tout le monde le sait, le vote de grève à l’AGE UQTR a vu le «non» triompher confortablement. Ceux qui ont lu le précédent éditorial ne seront pas étonnés d’apprendre que le résultat ne constitue en aucun cas une surprise pour l’auteur de ces lignes.
La plus grande déception de cette histoire n’est pas le résultat en soi. En effet, plusieurs raisons telles que la désinformation généralisée par rapport aux modalités de la grève, le manque de momentum, la difficulté du mouvement national à définir sa cause et plusieurs autres portaient facilement à croire que l’AGE UQTR resterait chez elle le 2 avril.
Ce qui est déplorable, c’est de constater le manque de qualité des arguments évoqués lors de l’Assemblée générale. Dieu sait qu’il y avait des arguments sérieux pour douter du bienfondé d’un débrayage, particulièrement dans le cas où celui-ci se serait étendu à plus d’une journée. Or, le plus gros de ce qui a été dit au micro se résume à «je suis contre les mesures d’austérité, mais j’ai pas le gout de m’en occuper».
Quand on a vécu 2012, on se rappelle que les carrés verts (d’ailleurs, beaucoup moins bien organisés dans le temps) arrivaient au micro avec un discours écrit sur une feuille recto verso et forçaient les carrés rouges à réfuter des arguments avec certains fondements logiques. À la place, nous eûmes droit à «ça m’tente pas» applaudi avec vigueur.
C’est là ce qui explique le gout amer laissé dans la bouche des «pros-grève» (à défaut d’une meilleure expression): c’est la saveur des arguments devenus caducs.
La critique, mais seulement quand ça fait notre affaire
D’aucuns pouvaient se réjouir, à l’annonce de l’Assemblée générale, des multiples personnes qui s’étaient trouvé un intérêt spontané pour le fonctionnement de l’association. Soudainement, les commentaires fusaient pour trouver comment améliorer le processus de décision à l’AGE.
La page Facebook de l’évènement a vu moult déchirements de chemises à propos de la vétusté des Assemblées générales. Il était notamment suggéré d’avoir recours aux technologies de l’information afin de permettre une décision plus représentative. Ou encore, d’étendre le vote sur les propositions sur plusieurs jours.
Le lendemain, plus personne n’en parle.
C’est déplorable, parce qu’il s’agit bel et bien d’un problème à l’AGE UQTR. En effet, il est difficile à justifier qu’il n’existe pas de local à proximité du campus permettant de tenir une Assemblée générale où tous les membres pourraient être présents. On connait aussi la difficulté de trouver un moment dans la semaine qui fasse l’affaire de tout le monde.
À la suite de 2012, ce constat avait débouché sur des mesures visant, à terme, à décentraliser les décisions de nature politique vers les associations de programmes. Trois ans et divers comités plus tard, on attend toujours des résultats.
Une volonté venant d’ailleurs que des habituels impliqués aurait manifestement pu faire avancer un tel dossier. Malheureusement, il semble qu’une fois le débat terminé, ces soucis sont devenus lettres mortes.
Difficile de ne pas penser à la fondation 1625, qui passe son temps à critiquer les Assemblées générales et à encourager les gens à ne pas en respecter les décisions supposément antidémocratiques.
Suivant cette logique, l’assemblée générale du 27 mars devrait-elle être déclarée antidémocratique? Va-t-on refuser d’aller à nos cours cette journée-là parce que l’Assemblée générale a statué que nous devions nous y présenter?
Poser la question c’est y répondre.
À la place, nous eûmes droit à «ça m’tente pas» applaudi avec vigueur.
Parlant de légitimité…
On peut se déclarer en faveur de l’encadrement des manifestations. On peut croire qu’une manifestation illégale doit être réprimée. Autrement dit, si on croit que c’est un crime de ne pas fournir l’itinéraire d’une manifestation, il s’ensuit logiquement que la police doive agir en conséquence.
Par contre, plusieurs oublient la notion d’équivalence entre le crime et la punition. En effet, il est reconnu dans les sociétés de droit que, quand une personne pose un geste illégal, la punition doit refléter la gravité du geste.
Par exemple, on n’émettra pas une amende de 300 000$ à un adolescent ayant volé un paquet de gomme au dépanneur; cela va de soi. On se demande donc quand marcher dans la rue de manière non prévue est devenu un crime nécessitant la violence physique et les blessures sérieuses.
Certains diront que les manifestants menacent les policiers et ne respectent pas les ordres.
Depuis quand un intellectuel de 19 ans en manteau d’hiver est-il en mesure de simplement représenter un danger pour un policier de l’antiémeute, supposément entrainé à ce genre de situations et engoncé dans une armure de la tête aux pieds?
Depuis quand est-il raisonnable de souhaiter des atteintes à l’intégrité physique des gens avec qui nous avons un désaccord? La désapprobation est une chose, le mépris des droits fondamentaux en est une autre.