Par François Champoux, étudiant à l’Université du troisième âge (UTA) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Beaucoup plus jeune, il m’est arrivé, à ma décontenance, d’entendre de mes concitoyens des propos totalement racistes sur les Autochtones du Québec. Plus tard, ce sont des vérités acerbes, mais complètement douteuses, que j’ai entendues sur les religions différentes de l’Unique Église catholique de Rome. Il y a à peine dix ans, tous les émigrés de races plus foncées que la mienne faisaient enrager certains des miens; de voir dans nos rues des couleurs plus opaques que le beige pâle québécois, on se catastrophait même de leurs vêtements pas du tout canadiens! Et qui ne se souvient pas du drame de la famille Shafia? Une horreur ultrareligieuse et antiféministe camouflée en crime d’honneur.
Pourquoi la province de Québec et ses élus n’ont-ils pas jugé nécessaire de condamner ces gestes et paroles de haine sur nos chantiers et lieux de travail?
En Amérique du Nord, c’est ici au Québec seul, et pas ailleurs, que l’intimidation et le harcèlement psychologique ont failli être réduits à rien par des articles dans la Loi sur les normes du travail: les articles 81.18 à 81.20 et 123.6 à 123.16 disent depuis juin 2004 que nous devons tous, employeurs et employés, faire cesser cela. Pourquoi la province de Québec et ses élus n’ont-ils pas jugé nécessaire de condamner ces gestes et paroles de haine sur nos chantiers et lieux de travail? Les droits de l’Homme n’existent-ils pas depuis bien plus longtemps?
Dans ma région mauricienne, j’ai été témoin, jusqu’à tout récemment encore, d’intimidations et de violences morales qui pouvaient tourner facilement au drame, n’eût été… N’eût été quoi au juste?
N’eût été la peur (bien évidemment) de toutes ces petites mafias qui tuent sans remords celles et ceux qui ne se conforment pas à la loi du plus fort. La peur de ces petits et gros caïds du coin, en collet blanc ou en collet bleu, plein de moi et de foin, capables d’imposer la loi de la jungle, leur loi bâtarde du plus fort ou du talion.
Ainsi va le Québec, ce peuple conquis de la Nouvelle-France qui, mené par la peur de l’autre, choisit de l’assassiner par toutes les manières possibles, de l’exclusion du groupe jusqu’à la mort brutale purement et simplement, afin d’affirmer son hégémonie. Quoi de mieux que d’écraser son prochain pour se rehausser; quand on est petit, c’est comme ça qu’on devient gros et grand.
Les peuples racistes et violents font de tristes pays où vivre; ils pleurent continuellement leurs rêves, car ceux-ci virent continuellement au cauchemar.
Les peuples racistes et violents font de tristes pays où vivre; ils pleurent continuellement leurs rêves, car ceux-ci virent continuellement au cauchemar. Il ne peut en être autrement quand on tue nos propres enfants ou qu’on refuse le dialogue.
C’est Albert Camus qui nous rappelle que «la fin ne peut jamais justifier les moyens. En l’occurrence, le bonheur ne saurait justifier tous les moyens, surtout si ces moyens impliquent le meurtre, l’exclusion radicale de l’autre. Le bonheur, comme art de vivre, est aussi un art de vivre avec les autres».
Il faut cesser de rêver. Sortons de notre sommeil et bâtissons enfin un Nouveau-Québec, sans complexes, sans mafias, sans peur. Cette construction est urgente, plus urgente que toute autre bâtisse en béton armé.
En tout respect des victimes musulmanes de l’attentat à la grande mosquée de Québec survenu le 29 janvier 2017.
Quel triste moment québécois!
NDLR. Il est également possible de lire cet article via le blogue personnel de notre collaborateur.
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CITATIONS
«La censure a pour objectif d’occulter la vérité; la désinformation va plus loin en la déformant afin de la rendre conforme aux intérêts des gouvernements ou des groupes de pression. La première oblige l’écrivain à décupler son génie et son imagination pour contourner la censure; la seconde, dans son stade ultime de satanisation, peut pousser certains groupes d’hommes dans une sorte de psychose collective dont le meurtre libérateur semble être la seule issue.» —Négovan Rajic, environ 1996
«La haine du mal même peut rendre les hommes méchants si elle est trop forte, trop dominante, trop seule (pour ainsi parler) parmi nos sentiments.» —Joseph Joubert