À chacun son identité? Une façon personnalisée de poser la question de l’identité est de me demander: «qui suis-je?». C’est la deuxième des trois questions fondamentales, après «d’où viens-je?», et avant «où vais-je?». Quelle est ma véritable identité? Une personne peut-elle abriter deux Moi? Quelles sont les fondations de mon identité?
Pas facile de répondre à de telles questions, n’est-ce pas? Quoi qu’il en soit, même si personne ne sait précisément ce qu’est l’identité, ni ce qu’est le Moi, chacun veut y voir un bien précieux… de sorte qu’il est bon que je me demande: «de quoi est-il question quand je parle de mon identité?».
Crise d’identité?
Sommes-nous en crise d’identité? J’ai comme intuition, qu’à notre époque, les gens ne savent plus qui ils sont… un peu comme Stendhal dans Vie de Henry Brulard qui lui faisait dire: «Je me suis assis sur les marches de San Pietro, et là, j’ai rêvé une heure ou deux à cette idée: je vais avoir 50 ans, il serait bien temps de me connaitre. Qu’ai-je été, qui suis-je? En vérité, je serais bien embarrassé de le dire». Et moi, est-ce que je peux dire, en vérité «je ne sais pas qui je suis»? Est-ce que j’attendrai d’être dans l’unité des soins palliatifs pour me poser la question?
Qu’est-ce que l’identité?
Définitions insuffisantes. D’un côté, si je pose la question «qui es-tu?» à différentes personnes, elles me répondront en donnant leur nom, leur profession, leur statut familial, social, etc. Est-ce suffisant? Même si j’ai passé ma vie à m’identifier à ma profession, et à travers elle, à être reconnu socialement, cela ne suffit pas, n’est-ce pas? Cela signifierait que si je perds mon emploi, ou lorsque j’arrive à la retraite, je ne suis plus rien?
D’un autre côté, il y a tous ces beaux parleurs qui nous invitent «à découvrir notre Moi suprême au plus profond de notre coeur »… ou qui nous disent: «L’identité repose sur une espèce de socle primordial. Il nous suffit de creuser assez profondément pour retrouver ce socle». Le problème, c’est qu’il n’en est rien: nous aurons beau creuser indéfiniment, un tel socle n’existe pas. Alors, est-il possible de se connaitre soi-même?
Mon hypothèse
Faisons appel à l’étymologie. N’étant pas un spécialiste de cette discipline, je peux fort bien me tromper. Mais d’après mon gros bon sens, je vois les racines «id» et «entitas». Commençons par l’«entité». Selon le Petit Robert, c’est «ce qui constitue l’essence d’un genre ou d’un individu». La civilisation judéo-chrétienne dans laquelle je vis le niera impérieusement, mais mon essence, c’est mon corps… et non une âme imaginaire. Ainsi, mon identité, c’est d’abord ce corps que je suis et grâce auquel on me reconnait.
Et le «id»? Je pense que, quand on veut définir l’identité d’une personne en se servant de la racine «idem», qui donnerait identique, semblable, on se trompe. La racine «id» vient de «idein», signifiant voir… et a donné le mot «idée» en français me semble convenir nettement mieux. Mon identité, avec ce «id», serait non seulement mon corps, mais également mes idées… produites de mon cerveau. N’est-il pas vrai que l’être humain est un animal si spécial, qu’en certaines circonstances, ses idées sont plus importantes que son corps lui-même?
L’essence du moi?
En pratique, à quoi m’amène ce fameux «id»? Je peux toujours répondre à la question «qui suis-je?» en disant: je suis un homme, un père, un professeur… retraité, un lecteur, un baiseur, etc. Il s’agit là de caractéristiques partielles. Mais quelle est l’essence de mon moi? Si je cherche mon identité, que trouverai-je? La recherche d’identité n’est-elle pas une recherche de mes idées… surtout les plus importantes qui évolueront en valeurs… que j’actualise dans la plupart de mes comportements au quotidien?
Identité fixe ou en construction?
Dans la civilisation occidentale (à base de judéo-christianisme), les espèces sont créées fixes et l’identité a comme caractéristique la même fixité pour la durée de la vie… sinon pour l’éternité. Pour ma part, j’adopte une conception évolutive de la vie où j’ai à construire mon identité. Dans cette conception, rien n’est donné en totalité à la naissance: tout est à bâtir. Pour me construire, je devrai choisir mes idées, mes idéaux, mes idées-forces, mon idéologie. Bref, mon identité sera un chantier permanent. Je serai un être en mouvement perpétuel, toujours inachevé.
Né pour penser?
Qu’est-ce qui fait que je suis moi? Semblable à tous les autres êtres humains… et, en même temps, différent? Mon corps, bien sûr, mais surtout les idées que je fais miennes: mon identité, mes attitudes, ma vision du monde sont formées d’une multitude d’idées… autant que possible soigneusement choisies. Jusqu’à mon dernier souffle, je pourrai les compléter, les enrichir… et même les changer. Ce sont mes idées qui me permettront de donner du sens (un but) à ma vie… et même de mener une vie plus heureuse.