Par Marie-Andrée Gauthier, chroniqueuse
Les récentes annonces du gouvernement Charest en matière d’éducation n’ont rien de surprenantes : elles sont typiques de notre si représentatif système politique néolibéral québécois. Notre État actuel se démarque par son goût à diminuer la satisfaction de nos besoins primaires et par son incroyable attirance envers les partenariats publics-privés.
C’est dans une logique marchande et de rentabilité que l’on nous dit qu’il faut investir dans notre avenir. Or, la hausse des frais de scolarité de 1 625$ prévue par l’équipe de Jean Charest équivaut à demander aux femmes de débourser plus que les hommes. Il faudrait donc maintenant investir dans le maintien des inégalités?
En 2008, à compétence égale, une femme gagnait 71 cents pour chaque dollar gagné par un homme. En moyenne, une femme gagnera 863 268$ de moins qu’un homme détenant le même diplôme qu’elle. En plus d’étudier, les femmes devront travailler plus qu’elles ne peuvent l’avoir fait jusqu’à présent.
Concrètement, un étudiant gagne 13$ de l’heure. La hausse de 1 625$ représente 125 heures de travail de plus par année. Sa collègue étudiante, quant à elle, gagne 71% de ce salaire, soit 9,23$ de l’heure. La hausse de 1 625$ représente donc 176 heures de travail. Les femmes travailleront donc 51 heures de plus par année que les hommes pour payer la hausse annoncée.
Le pourcentage du salaire que les femmes alloueront pour rembourser leur dette étudiante inévitablement augmentera. Allons-y avec une dette réaliste de 30 000$ à la fin d’un baccalauréat, remboursable sur 10 ans. Les hommes titulaires d’un baccalauréat gagnent en moyenne 57 726$ annuellement. Sur 10 ans, cela fera donc 577 260$. Leur dette de 30 000$ représente donc 5,2% du salaire total gagné. Pour une femme, elle gagnera en moyenne 41 058$/an. Sur 10 ans, cela fera 410 580$. La dette de 30 000$ représente donc 7,3% du salaire total gagné. Il s’agit d’un écart de 2,1% qui peut sembler minime, mais qui aura un impact certain sur les femmes.
80% des familles monoparentales ont pour cheffe des femmes; la partie du salaire que ces femmes auront à octroyer pour payer les études de leur(s) enfant(s) sera accrue. Si une famille biparentale doit allouer 10% de ses revenus aux études de baccalauréat d’un seul enfant, la mère cheffe de famille monoparentale, pour sa part, doit en allouer 18% pour le même diplôme. La hausse prévue deviendra donc un obstacle aux études des générations futures. Et tout un défi pour ces étudiantes monoparentales qui devront jongler entre études, boulot et marmots!
Mais où diantre allons-nous trouver la différence monétaire? Nous n’aurons d’autre choix que celui de nous surmener au boulot pour espérer parvenir à joindre les deux bouts. Vivement les épuisements qui s’ensuivront et tout autre problème social irrémédiable, causé par nos seuls et uniques dirigeants actuels. So-so-so, solidarité!
L’accès à l’éducation pour les femmes demeure une des façons les plus prouvées pour accéder à de meilleures conditions de vie, pour accéder à une réelle égalité. Accéder à l’éducation pour les femmes est un gage de la possibilité d’occuper un bon emploi, d’obtenir un revenu (synonyme d’indépendance) et d’aiguiser son esprit critique. La connaissance au lieu de l’ignorance et la docilité semblent apparaître comme un danger aux yeux du gouvernement Charest.
La hausse des frais de scolarité compromet cet acquis du mouvement féministe. Aller à l’université n’est pas un privilège, mais un droit. Or, en nous signalant une hausse de 1 625$ de notre facture universitaire, le gouvernement Charest nous demande, mesdames, de quitter l’université, sinon nous contribuerons à notre propre perte.
En augmentant les frais de scolarité pour chacune et chacun, nos salles de cours ne seront désormais réservées qu’aux plus nantis. Quelle sera donc la diversité que l’on pourra retrouver dans nos échanges académiques? Quelles voix auront les femmes dans le discours social? Souhaitons-nous réellement régresser? J’ai l’impression que l’on va revivre les collèges des années 50 où seulement une minorité bien visée pouvait asseoir ses fesses sur les bancs d’école. J’ai la vague impression que cette minorité sera majoritairement constituée d’hommes bourgeois blancs…
Monsieur Charest, peut-être vaudrait-il mieux pour notre bien collectif de revoir vos priorités et commencer à redistribuer nos ressources, parce que là, les étudiantes sont en colère!
Les statistiques ont été tirées du Comité femmes de l’ASSÉ, de l’étude des membres de l’Institut Simone de Beauvoir et du site Internet Le Globe.