
Vaccinée depuis des années contre le système de Poutine, la jeune population russe ne s’intéresse pas à la politique. Cette affirmation a bien été remise en cause ce dimanche 26 mars. Après l’appel d’Alexeï Navalny à manifester contre «la corruption du pouvoir», des dizaines de milliers de Russes, encore mineurs pour certains, sont sortis dans les rues de plusieurs villes du pays.
L’opposant et candidat à la présidentielle de 2018 a réussi son pari: le 2 mars dernier, il lance l’initiative en publiant sur YouTube une longue vidéo de 50 minutes. Dans cette dernière, il dénonce «l’empire immobilier» que se serait constitué, grâce à des pots-de-vin, le premier ministre Dmitry Medvedev. La vidéo a été vue plus de 11 millions de fois. Trois semaines après, les manifestations éclatent et marquent un nouveau tournant, tant par leur ampleur que par l’âge de certains participants.
Il s’agit d’abord de l’une des plus importantes vagues de manifestations qu’a connues la Russie depuis la réélection de Vladimir Poutine, en 2012. Selon OVD-Info, une organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la surveillance des mouvements de contestation, 1030 personnes sont venues manifester dans la capitale moscovite, dont 46 mineurs. De plus, beaucoup avaient tout juste l’âge de la majorité. Serait-ce un pas vers l’émancipation de la propagande officielle?
Tout au long de ce dimanche, Alexeï Navalny a animé en direct sur YouTube le compte-rendu des différentes manifestations. Un direct qui a été suivi par tout de même plus d’un million et demi de personnes. Sans surprise, ce dernier a été arrêté et condamné le lendemain à quinze jours de détention et à une amende de 20 000 roubles (environ 470CAD) pour avoir organisé cette manifestation sans avoir obtenu d’autorisation.
La génération Poutine
La presse russe s’est réjouie avec étonnement du jeune âge des manifestants, pour la plupart situé entre 15 et 25 ans, et espère un renouveau dans la vie politique. Cependant, les journaux semblent s’emballer un peu trop vite autour de la figure d’Alexeï Navalny, quitte à oblitérer le côté polémique de l’initiateur des mobilisations.
Il s’agit d’abord d’une des plus importantes vagues de manifestations qu’a connues la Russie depuis la réélection de Vladimir Poutine en 2012.
Derrière son image de gendre idéal, celui qui défie le président Vladimir Poutine et qui exige la défense de la démocratie a déjà été entendu en train de prononcer des propos antisémites et xénophobes graves. Au cours des années passées, il a aussi été vu régulièrement dans des rassemblements nationalistes, comme celui de «La Marche Russe», au ton hostile envers les étrangers et les immigrés.
De plus, le juriste et blogueur anticorruption Navalny et son frère ont été condamnés en 2014 à trois ans et demi de prison avec sursis, par le tribunal de Moscou. Ils ont été reconnus coupables de détournements de fonds au détriment du groupe français Yves Rocher. Un comble dirait-on, mais une fois encore, le gouvernement ne serait pas loin derrière ces accusations.
Le plus important dans cette journée reste, néanmoins, le ras-le-bol de la génération Poutine. Sans grande perspective d’avenir, ceux qui n’ont pas la chance de faire partie de la nomenklatura, l’élite russe, n’auront jamais accès aux meilleurs postes.
D’ailleurs, la date des manifestations n’a pas non plus été choisie au hasard: elle correspond, jour pour jour, à l’élection à la tête du pays de l’ancien espion du KGB, Vladimir Poutine. Il ne s’agit donc pas du plus bel anniversaire pour le Kremlin. Aussi, nombre de jeunes manifestants étaient encore enfants, ou à peine nés, lors de son élection (il faut toutefois préciser qu’il y a eu un hiatus de quatre ans, où il a occupé le poste de premier ministre). Une nouvelle génération de manifestants se dessine ainsi.
À la suite de l’ampleur de la mobilisation, les jeunes citoyens russes inquiètent le pouvoir. En ce 26 mars, la jeunesse a fait un beau pied de nez au carcan de l’idéologie russe. Ils ont exprimé leur dégoût, celui d’une éducation patriotique, des médias censurés et celui d’une télévision dédiée à la gloire du président.
Le plus important dans cette journée reste, néanmoins, le ras-le-bol de la génération Poutine.
Un exemple à suivre?
Les dernières manifestations des jeunes Russes, voir des très jeunes, portent espoir, dans le sens où l’on trouve parmi eux déjà des valeurs militantes, qui plus est dans un pays où les libertés d’opinion et de manifestation sont souvent bafouées. L’engouement provoqué par Navalny a presque fait trembler les murs du Kremlin.
Une révolte que l’on espère contagieuse, car même si nous ne vivons pas dans ce même système verrouillé, nous aussi pouvons agir, réagir à des causes qui nous sensibilisent. Signer une pétition, devenir membre d’une association, ou lui envoyer un don constitue un acte citoyen, une forme d’engagement dans la société.
Devant nous, un vaste choix nous est proposé: il existe un nombre incalculable d’associations qui rassemblent des gens sur des thématiques différentes. Choisissons alors la cause qui nous concerne le plus, dans laquelle nous souhaitons être impliqués.
C’est par la pression sur les politiques que nous pouvons espérer des changements. Le cas de la Russie est prometteur, même si la figure poutinienne sera difficile à mettre en branle.