Un œil sur l’actualité internationale: La loi de l’impunité

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Gwendoline Le Bomin. Photo: Mathieu Plante
Gwendoline Le Bomin. Photo: Mathieu Plante

Depuis quelques semaines, la tempête s’abat sur la planète hollywoodienne. Toute la gent féminine semble s’acharner sur le «pauvre» Weinstein. Pis encore, de nombreuses voix s’élèvent aussi dans d’autres domaines. Prenant de l’ampleur, ces dénonciations dévoilent finalement ce que tout le monde sait, mais préfère taire: le harcèlement (sexuel).

Derrière les paillettes, le 5 octobre dernier, c’est une sombre et insoutenable réalité qui éclate au grand jour. Dans un article publié dans le New York Times, deux reporters, Jodi Kantor et Megan Twohey, détruisent le mythe du célèbre producteur et réalisateur, surnommé «l’homme aux soixante statuettes», Harvey Weinstein. Elles l’accusent notamment de nombreux faits de harcèlement sexuel. Le roi du cinéma hollywoodien se révèle être un dangereux prédateur sexuel, un personnage odieux et répugnant.

Pour ne pas nuire à sa réputation, le producteur réduisait son entourage au silence: il donnait des sommes d’argent à certaines de ses victimes et faisait signer des clauses de confidentialité à des membres de son personnel.

Les témoignages se multiplient: une quarantaine de femmes ont dénoncé ces agressions sous forme de harcèlement, d’agression sexuelle ou de viol. La lecture de leurs témoignages donne envie de vomir. Le producteur use et abuse de son pouvoir, de sa célébrité, de son emprise sur les femmes.

Que ce soit à travers les réseaux sociaux ou les médias traditionnels, nombre d’actrices laissent entendre qu’en échange de faveurs sexuelles, elles auraient pu faire progresser leur carrière. Sale chantage…

Dans cette affaire, c’est surtout l’hypocrisie d’Hollywood, celle de notre société aussi, au fonctionnement encore profondément inégalitaire. On sait, mais on se tait. Tant pis pour les victimes! C’est d’ailleurs sans surprise que l’on apprend qu’au Festival de Cannes, Harvey portait déjà le surnom de «porc».

Le plus terrifiant et alarmant, c’est que le producteur est loin d’être un cas unique et représente tristement le chef de file d’autres porcs. Il a suffi d’un tweet pour que les réseaux sociaux s’emballent (cf. les hashtags #BalanceTonPorc et #MeToo), l’affaire fait les gros titres, permettant à d’autres voix de se libérer.

«Personne n’est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant qu’un homme inquiet pour sa virilité» — Simone de Beauvoir

Et la justice dans tout ça?

Malgré les lois en place, peu d’hommes sont punis, ou se retrouvent en prison: face aux harcèlements, l’impunité est reine.

Au Canada, seulement trois agressions sexuelles déclarées sur 1000 se soldent par une condamnation (Statistique Canada). Il s’agit du seul crime violent dont le taux n’a pas diminué depuis 1999. Par ailleurs, et bien que les hommes comme les femmes puissent être concernés par ce fléau, la grande majorité des agresseurs sont des hommes (96%) et la majorité des victimes sont des femmes (87%).

Les victimes accordent alors peu de confiance au système judiciaire. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes: une agression sur 20 est rapportée à la police, et près de la moitié des victimes estime que la police ne jugerait pas l’incident assez important (Statistique Canada).

En France, l’affaire Weinstein a accéléré l’agenda du gouvernement qui prévoyait de présenter une loi pour lutter contre les crimes sexuels. L’un des objectifs de la loi est celui d’abaisser le seuil de tolérance de la société, selon Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Finalement, l’urgence serait plutôt de réfléchir non seulement aux moyens juridiques, mais aussi moraux et psychologiques, afin de corriger ces comportements scandaleux.

On sait, mais on se tait, tant pis pour les victimes.

À petits pas

Ce qui me choque, c’est la lenteur avec laquelle les mœurs évoluent. Il suffit de regarder 20 ans en arrière pour se rendre compte que certains discours ou revendications sont les mêmes (Ministère de la Sécurité publique, 2004). C’est long, c’est lent, on a parfois l’impression qu’on avance à reculons. Malgré l’acquisition des droits fondamentaux pour les femmes, comme l’autonomie, l’intégrité, le chemin est encore long.

La culture du déni continue malgré tout de régner et rend la notion de consentement ambiguë: si le non n’est pas clair et direct, c’est sûrement un oui déguisé.

Les scandales qui éclatent un peu partout dans les pays occidentaux illustrent le rapport de pouvoir et de domination des hommes sur les femmes. Le scénario est souvent le même: l’homme narcissique profite de sa position hiérarchique supérieure et considère la femme comme un objet sexuel. En cas de résistance, elle paie le prix.

Le harcèlement se développe progressivement, il constitue une intrusion non voulue dans la vie privée et dans l’intimité.

Pour changer ce phénomène sociétal, on ne peut oublier également le rôle fondamental de l’éducation et l’importance d’expliquer aux enfants le respect de l’autre. Les institutions comme l’École, l’État doivent persévérer à mettre fin au travail de reproduction de l’«éternel masculin».

Il faut comprendre que drague et harcèlement sont deux choses bien distinctes, car si la gent masculine se pense sexy de siffler ou d’interpeller les filles, eh bien non, ce n’est rien qu’agaçant. Dans ce cas, on a juste envie de dire: «Fichez-nous la paix!»

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