Va voir ailleurs (j’y suis) : Aboyons culture avec Jean Bonlieu

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Bienvenue à 109,6 FM, la pestilence des mots. Cette semaine, à Aboyons culture, nous recevons un panel d’invités impliqués dans la culture régionale. On le sait, la culture en Mauricie est vivante et diversifiée, alors nous avons invité tous les artistes que nous connaissons pour en discuter. Accueillons donc Jean Bonlieu, artiste-vitrier bien connu pour être le seul artiste de la région.

Bonjour Jean Bonlieu. – Aye, salut mon chum, content d’être là. – Cette semaine, notre table ronde avec toi a pour but de déboulonner des mythes persistants sur notre culture régionale et trifluvienne en particulier. Es-tu d’attaque, mon molosse?

[Jean Bonlieu s’envoie un immense café d’une traite.] – Chu d’attaque en tabarnac. M’as t’en parler de culture. Qu’est-ce tu veux savoir? Qui est bon? Personne. Qui est poche? Tout le monde. Toute des trous d’cul. [Jean Bonlieu s’allume une cigarette.]

Jean, début septembre sur nos ondes, tu as fait une sortie remarquée en affirmant que c’était toujours les mêmes artistes qui remportaient les prix à Trois-Rivières. Tu as aussi dit qu’il y avait plusieurs bons artistes qui n’en remportaient jamais. Peux-tu revenir sur ce point?

[Jean Bonlieu termine sa cigarette et en allume une autre. Il se verse un immense café.] – Pas ça j’ai dit. J’ai dit que si tu voulais des prix à Trois-Rivières, il fallait que tu liches le cul des bonnes personnes. J’ai nommé quelques noms, 2-3 bons artistes qui font leurs affaires, mais leurs avocats m’ont mis en demeure de pus jamais prononcer leur nom, fait que. Des mangeux d’marde, qu’est-ce tu veux… [Jean Bonlieu siffle son café et sort un petit flacon de pilules de sa poche.]

Comment tu expliques que ce soit très souvent des artistes du plus grand centre d’artistes de la ville qui remportent les prix? Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un jury multidisciplinaire composé d’artistes de toutes les disciplines – arts visuels, musique, théâtre, patrimoine, name it – et qui ne se connaissent souvent même pas? Comment un jury comme ça arrive à toujours favoriser ses petits copains? [Jean Bonlieu éteint sa clope et s’envoie deux pilules.]

– C’est exactement COMME ÇA QUE ÇA SE PASSE! Les jurys y regardent les dossiers, pis là y’en a genre les 3/4 qui viennent de Presse Café, c’est sûr esti il sont une cinquantaine dans ce centre d’artistes-là. Pareil pour l’autre centre, Stilex, y sont pas loin de quarante là-bas. En té cas. Pis là y délibèrent au restaurant pis y choisissent leurs amis. Pas une crisse de chance qui choisissent CEUX QUI ONT PAS APPLIQUÉ, LÀ! C’EST ÇA QUI MARCHE PAS! C’est comme chose là, j’peux pas dire son nom, mais a roule à planche, elle expose, elle vend, pis a n’en veut pas d’prix. BIN POURQUOI QU’ON Y EN DONNE PAS UN, VEUX-TU BIN M’DIRE?

As-tu déjà appliqué sur ces prix-là, toi Jean? – Ben oui, j’ai déjà appliqué, pis j’ai gagné à part de ça! Mais les jurys, c’est ça qui arrive, ça fait passer leurs chums. Moi j’n’ai pus d’chums osti. Fait que si j’veux faire de l’art, j’vas voir le maire direct, pis y m’trouve une place pis j’fais faire la face de quelqu’un en vitrail par mes jeunes bums que j’ramasse dans rue. Pas besoin d’bourses pour ça, esti. Pis les formulaires À REMPLIR, ÇA M’ÉCOEURE OSTI! [Jean Bonlieu s’allume une cigarette et se prépare deux tracks sur la table.]

Bon, dernier sujet pour ce midi mon Jean : le Fonds de la Mauricie pour les arts et les lettres. On apprenait récemment que l’entente triennale arrivait à terme cette année et qu’on s’inquiétait dans le milieu de son éventuel renouvellement pour les trois prochaines années. [Jean Bonlieu échappe sa cigarette. Il roule un vingt piasses.] On sait qu’il y a pas mal d’argent là disponible pour les artistes, mais apparemment que certaines années, il reste de l’argent dans le Fonds, ce qui est jamais bon. Coudonc, ça se peut-tu que les artistes d’ici n’appliquent pas assez sur ces fonds-là? J’te pose la question. [Jean Bonlieu s’essuie les narines et s’allume une cigarette par le mauvais bout. Il louche.]

– Rien qu’un affaire à t’dire, les artistes esti, tsé, c’est des artistes, pis y’en a. Moissi j’t’un artiste tsé, pis qu’y mangent d’la marde si les autres veulent pas me donner un prix. Moi, C’PAS POUR MOI QUE J’FAIS ÇA, C’PAS POUR LES AUTRES, pis j’m’en crisse. Moi tout c’que j’dis, tsé, c’est laisse faire les artistes, pis c’est d’même que ça devrait marcher, laisse-les faire…

Jean Bonlieu, merci pour ces commentaires éclairants sur les vraies affaires, ça nous montre vraiment le côté de la médaille. Merci beaucoup!

– Mangez toute d’la marde. –Ah ah ah, excellent mon Johnny. Une job à la radio, ça te tente-tu? – N’importe quand.

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Consulter l’histoire originale :

Sortie de Jean Beaulieu

Réponse d’Éric Lord, directeur général de Culture Mauricie

2 COMMENTAIRES

  1. j’ai écouté avec grand intérêt l’entrevue de Jean Beaulieu et deux points ont retenu mon attention: 1. cette nécessité de soumettre soi-même sa candidature, avec un dossier à remplir etc 2. le fait qu’à l’intérieur d’un juré les connaisseurs en arts plastiques soient appelés à se prononcer sur la littérature ou le théâtre et vice versa, je veux dire: je puis être un grand admirateur de l’écriture de Luc Kenline et ne rien connaître au jazz moderne, bref des comités de sélection moins universels, plus spécialisés. Je me dis: il y a une belle effervescence dans notre milieu culturel ou artistique mais pas au point où une belle oeuvre, en quelque domaine que ce soit, pourrait échapper à notre regard, alors que les jurés regardent, non pas des dossiers, mais ce qui se fait. Pierre Corbeil

    • Merci de votre commentaire.
      Je comprends votre point de vue. Mais ne croyez-vous pas que le risque est plus grand de laisser un jury délibérer de ce qu’il a vu plutôt que de ce qu’on lui soumet?

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