Visions d’Anna: Figure-toi que c’est bon!

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Samuel Sénéchal. Photo: Marie-Eve Alarie
Samuel Sénéchal. Photo: Marie-Eve Alarie

On me l’a balancé en pleine tête. Je l’ai attrapé avec scepticisme dédaignant les travaux forcés. On m’a convaincue à coup de «–Awaille donc!» Mon profond manque de motivation que fait surgir ce mois de novembre à la con m’a fait soupirer avant de répondre : «– C’est bon. Juste parce qu’il est important d’encourager les écrivains de chez nous.» Je posai mon regard sur l’objet en question pour y lire: Figurations, Samuel Sénéchal.

Figurations: un titre qui m’évoquait déjà des questionnements et des images chaotiques. En retournant le livre pour y lire la quatrième de couverture, mes questions prirent la direction de la réflexion avec cette première phrase: «Tellement plus facile de se cacher derrière un personnage, d’oublier que l’on existe.» La réflexion, à son tour, développait maintenant un certain intérêt, une sorte d’excitation pour ce qu’allait aborder ce livre. L’idée de se dérober derrière l’écriture pour caricaturer, en quelque sorte, sa propre vie, un sujet qui me plaisait. J’ai donc arrêté de soupirer.

Supposément que tout ce qui entoure le protagoniste principal «est d’un ennui sans nom»: sa vie d’étudiant à la maitrise en lettres, de vendeur à la Toxik’Boutik, de gérant d’un band formé de deux punks et de chums à temps plein. C’est drôle, mais j’étais impatiente de savoir si cela serait réellement ennuyant ou si, au contraire, ce livre allait me divertir, lors d’un après-midi de grisaille. Quelque chose me disait que j’allais en faire qu’une bouchée. Allez savoir pourquoi!

C’est donc avec une sincère curiosité que j’entamai Figurations de Samuel Sénéchal. Dès la lecture des premières lignes, un arrière-gout de frustration me saisit. Je sentais remonter un certain mécontentement, une légère rage intérieure. Le ton politico-trash-humoristique et le caractère du personnage qui se dessinait lentement faisait déjà son effet: «Je suis un éternel sceptique, un gars jamais sûr de rien né à une époque ennuyeuse dans un pays imaginaire à la langue confuse, fragile, malléable» (p. 7). Ce livre remettait en place toutes sortes de questions, de réflexions et de frustrations que j’ai déjà eu ou que j’ai toujours et si tu es le moindrement un être de réflexion, cher lecteur, tu partagerais cet amalgame d’idées.

La culture est un thème qui englobe tout le roman. L’auteur aborde, à travers un personnage qui lui ressemble un peu, pas mal, la vision que peut avoir le peuple de la culture, de sa propre culture: «On dirait que c’est devenu normal, voire à la mode, de se désintéresser de sa propre culture […] Dès qu’un artiste s’adresse à nous en joual, on le traite d’illettré. Dès qu’il essaie d’être sensible, on le qualifie de déprimant. Dès qu’il s’efforce d’être amusant, on dit que sa démarche est simpliste, impertinente […] je veux écrire en français sur ce peuple que j’aime tant, même s’il est aussi ma plus grande frustration puisqu’il est incapable de s’estimer et de se respecter autant qu’il le devrait» (p. 21-23). Vous comprenez sans doute mieux pourquoi je fus saisie d’une rage imminente. Ce n’était pas parce que je détestais le roman déjà, à ses premières phrases, mais bien parce qu’il venait faire une mise à jour de mes frustrations quotidiennes concernant la société d’aujourd’hui.

Nombreux sont les enjeux sociaux qui traversent ce roman. Par exemple, l’anglicisation de notre province pour ne pas dire pays: «Pas de beuverie pour moi aujourd’hui. Je ne voudrais surtout pas que les gens croient que je fais le party en l’honneur de cette Ostie de Confédération» (p. 27), le printemps érable: «Ce genre de mouvement social me laisse croire que nous vivons toujours en démocratie, ou dans quelque chose qui tente vraiment très fort de s’y apparente» (p. 27), les préjugés envers les intellectuels, les étudiants et les militants: «Aux yeux de tous, nous ne sommes trop souvent que de vulgaires BS de luxe, que des bouches de plus à nourrir à même les coffres de l’État» (p. 47), etc. La façon dont l’auteur les aborde viendra faire frémir vos revendications d’étudiants, c’est certain!

«Tellement plus facile de se cacher derrière un personnage, d’oublier que l’on existe.»

Ce n’est pas dans l’optique d’une critique exhaustive que je vous ai présenté le roman de Sénéchal, mais plutôt avec des extraits qui semblent, à mon humble avis, croustillants, si je peux me permettre, et drolatiques. Honnêtement, si vous cherchez un roman pour faire passer vos soirées de novembre et bien vous serez comblés pour le temps que cela aura duré puisque ce roman se dévore! Alors procurez-vous-le plutôt pour assouvir une douce rage littéraire.

Figurations de Samuel Sénéchal en vente à la librairie Poirier, à la librairie l’Exèdre et chez COOPSCO de l’UQTR.

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