Voyage au centre du campus : Le vent dans les voiles ― Un automne chaud en débat (1ère partie)

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Comme mon mandat est de commenter l’actualité du campus à ses différents niveaux, j’ai d’abord cru que je n’aurais pas à écrire à propos de la charte des valeurs québécoises. Le débat aura pris du temps à arriver, mais la conférence de presse pour l’inauguration du pavillon à la vie étudiante fut le moment où la rectrice s’est fait demander quelle était la position de l’UQTR vis-à-vis la charte. Contrairement à l’Université McGill, qui s’est rapidement positionnée contre sans réelle consultation, la rectrice a répondu de façon très diplomate. Il y aura un «forum de discussion» d’organisé sur le sujet, voire même un mini-colloque. Serait-ce un simple exercice de relations publiques? Ce ne serait pas la première fois pour Madame Ghazzali. Gagez qu’elle va réserver les gymnases du CAPS pour cette consultation et que moins de cent personnes s’y présenteront.

Deux semaines plus tard, lors de l’Assemblée générale annuelle de l’AGE UQTR, le sujet est amené à l’ordre du jour, prenant de court les participants. C’est à ce moment que l’assemblée observa une minute de soupir. Le point fut finalement débattu en dernier et, alors que le quorum vint à manquer, on le mit en dépôt jusqu’à une prochaine assemblée cet hiver. L’intention de débattre de ce sujet était bonne. Surtout que le ministre Drainville attendait les commentaires des Québécois sur sa charte jusqu’au 1er octobre à minuit. Toutefois, nul ne semblait d’attaque pour aborder de front la question.

Le Québec n’est peut-être pas en mesure d’accueillir cinquante mille immigrants par année.

Voici donc comment la charte des valeurs québécoises s’est introduite dans l’actualité du campus. Qu’est-ce qui cloche exactement dans cette charte pour en débattre autant? La rectrice, elle-même, dit que certains aspects de la loi sont acceptés par tous, mais que certains autres posent problème. Alors, quels sont ces fameux éléments qui semblent poser problème?

Vaut mieux prévenir que guérir

Est-ce qu’il y a eu des demandes d’accommodements déraisonnables à l’UQTR? Dur à dire. Bien que certains professeurs se soient prêté à l’exercice, l’université n’a officiellement remis aucun mémoire à la commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (Commission Bouchard-Taylor) tenue en 2007. Dommage. Il n’y aurait donc pas de crise? Pour faire un parallèle, en économie, il n’est pas nécessaire d’attendre la récession avant d’intervenir.

Signes religieux ostentatoires

La charte des valeurs québécoises prescrit l’interdiction de tous signes religieux ostentatoires pour les employés de l’État. Sincèrement, est-ce que cette mesure affecte quiconque à l’université? Connaissez-vous un professeur, chargé de cours, caissière chez Sodexo, videur à la Chasse Galerie ou tout autre employé à l’université qui porte une trop grosse croix au cou, une kippa, un turban ou un hidjab? Si jamais vous en connaissez, présentez-les moi, il s’agit probablement de minorités invisibles. Ici, il n’y aura pas trop de conséquences. Mais, en pensant aux communautés culturelles à Montréal qui peinent à s’intégrer, on s’aperçoit que la réalité, là-bas, est bien différente. Ce n’est pas les immigrants qu’il faut montrer du doigt, mais bien les politiques d’immigration. Le Québec n’est peut-être pas en mesure d’accueillir cinquante mille immigrants par année… ou, devrais-je dire, Montréal n’est pas en mesure d’accueillir cinquante mille immigrants par année.

Un devoir de réserve

Il va de soi que si l’État québécois est laïque, ses employés doivent l’être aussi dans l’apparence et dans l’agissement. Une institution publique n’est pas une coquille vide. Ce sont les gens qui y œuvrent qui la modèlent. Un tribunal laïque l’est-il toujours si les juges et chaque procureur de la Couronne s’affichent de signes religieux et prêchent pour leur confession respective? Un peu difficile à croire. C’est pourquoi le devoir de réserve, s’appliquant déjà aux convictions politiques, doit s’appliquer aux convictions religieuses. Le lieu de travail n’est pas un lieu de culte ni un parlement.

Droit de retrait

Si jamais le projet de loi du Parti québécois est adopté tel quel, l’UQTR pourrait suivre le pas de l’Université McGill et de l’Université de Montréal et se prévaloir de son droit de retrait. Ce droit de retrait permettrait aux institutions le désirant de se soustraire de la charte. J’y vois ici bien plus de discrimination que dans l’interdiction des signes religieux ostentatoires pour les employés de l’État. Une loi, c’est pour tout le monde. Riche ou pauvre, jeune ou vieux, religieux ou athée. Montréal serait multiculturelle et Québec laïque? C’est ridicule. Certains ne veulent pas de système de santé à deux vitesses, moi je ne veux pas de laïcité à deux vitesses.

Finalement, pour les profanes dont le crucifix à l’Assemblée nationale irrite profondément, patience, il sera un jour retiré. Oui, c’est Maurice Duplessis qui l’a placé là en symbole de l’alliance entre l’Église et l’État. Depuis plus de cinquante ans, il est sous terre. Cependant, enterrer vivante une génération entière pour qui cela fait encore du sens relèverait de l’eugénisme. Le patrimoine vivant, j’y crois.

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