
Notre éditorial de ce mois est basé sur l’actualité politique et économique. Depuis quelques semaines, un homme semble voler la vedette au conflit en Ukraine et à la situation au Moyen-Orient. Avant même son investiture, il faisait la une de la plupart des grands médias internationaux. Le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis marque un tournant majeur dans la politique étrangère américaine, mais aussi dans le déroulement des relations internationales.
La nouvelle politique étrangère américaine sous Trump
À l’inverse de ses prédécesseurs, qui combinaient idéalisme et pragmatisme, Trump a opté pour une démarche purement réaliste, axée sur les rapports de forces et la suprématie des intérêts nationaux. Ce changement se manifeste par le rejet du multilatéralisme, la remise en cause des alliances historiques et une diplomatie transactionnelle. Il soulève la possibilité d’un changement permanent dans la politique étrangère américaine, qui privilégit désormais un réalisme affirmé au détriment des valeurs qui ont longtemps caractérisé les États-Unis sur la scène internationale.

Doit-on pour autant s’étonner de cette évolution ? Non, car la politique étrangère est fille du temps politique, c’est-à-dire qu’elle est le fruit de l’idéologie du prince. Et si l’on admet que les États sont non seulement sans alliés permanents ni ennemis permanents sur la scène internationale, mais qu’ils n’ont que des intérêts permanents, on peut ainsi mieux comprendre l’offensive américaine et la désillusion canadienne en ce moment.
Après l’annonce par Trump d’une hausse de 25 % des tarifs douaniers, Trudeau a longuement évoqué l’engagement du Canada et sa présence constante auprès des américains dans les moments les plus difficiles. C’était touchant et plein de bonté. Malheureusement, cela ne correspond plus au registre dans lequel Trump évolue maintenant : « America First ».
La fin de l’idéalisme américain ?
Depuis l’époque de Woodrow Wilson et de sa doctrine du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les États-Unis ont régulièrement mis en avant une politique étrangère idéaliste. Cette approche est axée sur la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et du multilatéralisme. Elle s’est renforcée après la Seconde Guerre mondiale avec la création de l’ONU, du FMI et de la Banque mondiale. L’engagement accru des États-Unis dans les institutions internationales et les interventions militaires motivées par des raisons humanitaires ont renforcé cette tendance.
L’approche de Donald Trump en politique étrangère s’inscrit dans une tradition réaliste. Ici, les relations internationales sont dominées par les intérêts nationaux et les rapports de force. Cette vision est inspirée par des penseurs tels que Hans Morgenthau et Henry Kissinger. Elle repose sur plusieurs axes principaux : un protectionnisme assumé, un désengagement des institutions multilatérales, une diplomatie transactionnelle et personnalisée.
Cette démarche, qui n’est pas récente puisque Trump est à son deuxième mandat, met à l’épreuve les liens entre le Canada et les États-Unis. Elle montre à quel point Ottawa est impuissant et exposé aux décisions impromptues de son voisin. On peut en tirer plusieurs enseignements : la relation canado-américaine, bien qu’elle soit solide, ne peut plus être considérée comme acquise et nécessite une surveillance constante. Cette période révèle également la nécessité pour le Canada de diversifier ses partenariats économiques et de renforcer son autonomie stratégique. Le rêve américain est terminé.
Conclusion : un tournant durable ?
L’administration Trump a rompu avec l’approche idéaliste qui avait dominé la politique étrangère américaine depuis la Guerre froide. Toutefois, cette nouvelle approche réaliste a également ses limites. L’unilatéralisme et l’imprévisibilité de Trump ébranlent des alliances historiques et réduisent l’influence américaine dans des régions cruciales. La question demeure : les États-Unis peuvent-ils retrouver leur rôle traditionnel de leader moral ? Le tournant réaliste amorcé par Trump annonce-t-il une évolution durable de leur politique étrangère ?