Développer des abdos en forme de tablette de chocolat en alignant des centaines de redressements assis. Maigrir de façon localisée à l’aide d’exercices ciblés. Guérir sa fatigue en s’auto-prescrivant des suppléments alimentaires. Bienvenue dans le monde de la pensée magique appliquée à l’activité physique et à la santé, un monde où les croyances et opinions priment sur les réalités physiologiques.
Au diable les faits scientifiques, seul le gros bon sens (le gros BS) compte. Ça, et les paroles de quelques individus de mauvaise foi dont la profession est d’enfirouaper la population à l’aide de belles paroles séduisantes. Que ce soit en tablant sur l’excès pondéral des uns ou sur la forme rachitique des autres, il n’y a aucune limite, appétit monétaire oblige, à ce que ces vautours peuvent dire pour vendre leur salade.
Et ça marche, prenez-en à témoin les modes qui vont et qui viennent, entraînant avec eux des retombées monétaires se chiffrant à plusieurs milliards de dollars.
Et nous? C’est simple, nous en redemandons allègrement, prêts à embarquer dans n’importe quelle fabulation, pourvu qu’elle soit en accord avec nos nombreux intérêts. Et Dieu sait jusqu’à quel point ceux-ci sont disproportionnés lorsqu’on parle de poids et de santé. Après tout, ces éléments ne sont-ils pas la pierre d’assise du bonheur, de la réussite et de la jeunesse? Des cordes sensibles, quoi.
Les exemples de cette proverbiale pensée magique ne manquent pas. Au contraire, ils abondent, sont omniprésents et vont dans tous les sens.
Certains sont inoffensifs, attendrissants même. C’est dans cette veine que s’inscrivent, depuis quelques années déjà, les bracelets holographiques Powerband. De couleurs et de conceptions différentes, les hologrammes de ces bracelets sont chargés de, tenez-vous bien, 20 000 ions négatifs! Rien que ça!
Bien évidemment, ils peuvent être portés par tout un chacun pour améliorer la flexibilité, réduire la douleur, régulariser les émotions et tutti quanti. Et que dire des innombrables athlètes et vedettes qui ont été vu les portant à un moment ou à un autre pour réaligner leurs chakras? «N’est-ce pas en soi un gage de qualité», affirment leurs concepteurs? Je caricature à peine.
Tel que mentionné précédemment : c’est sympathique, c’est inoffensif et, surtout, ça fait sourire. Et ce l’est encore plus si on s’attarde au succès connu par ledit bracelet. Sans commentaires.
Par contre, d’autres cas de figure ont franchement de quoi interpeler. C’est le cas tout particulièrement des pratiques, sportives et non sportives, visant à «détoxifier» l’organisme. Ici, tous les moyens sont légitimes : exercice soutenu dans un environnement à la chaleur suffocante, recours massif à des laxatifs, cures et régimes de détoxification à base de «chimie naturelle», thérapies par la sudation, etc. En d’autres mots, toutes des pratiques risquées qui peuvent mener à de très fâcheuses conséquences.
Mais bon, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour se sentir pur et équilibré? En passant, sachez que votre corps est bien pourvu en organes lui permettant de se «nettoyer». Ça s’appelle, entre autres, des reins et un foie, et puis ça fait très bien le travail.
Le principal problème – car il y en a plus qu’un – avec cette forme de pensée magique, c’est qu’elle a toute la place voulue et souhaitée pour se développer. Riche d’une mentalité où toutes les idées se valent et privé d’une éducation physique à la santé adéquate, ce terreau est le lieu de transplantation rêvé pour les propositions les plus farfelues.
Sachez que votre corps est bien pourvu en organes lui permettant de se «nettoyer». Ça s’appelle, entre autres, des reins et un foie, et puis ça fait très bien le travail.
Du genre : «combattez les méchantes calories, elles sont vos ennemies», alors que, dans les faits, leur faire la guerre est tout aussi stupide que de s’en prendre au mètre ou au degré Celsius, d’autres unités de mesure.
De façon plus globale, la pensée magique appliquée à l’activité physique et à la santé est symptomatique d’une compréhension déficiente de ce qu’est la science ainsi que de sa place prépondérante dans notre société. En ignorant tout de sa construction, de sa validation et de son évolution, il devient impossible de distinguer entre elles les idées qui nous sont présentées.
En effet, comment dégager le vrai du faux si, à nos yeux, le simple fait que l’idée émane d’un universitaire en sarrau blanc soit suffisant pour qu’on s’y fie? Comment tracer la ligne entre vérité et mensonge dans une proposition truffée d’un jargon scientifique lorsque, pour nous, l’emploi de ce dernier est nécessairement synonyme de rigueur? Comment accorder une quelconque valeur à la science si chaque découverte nous est toujours présentée, comble du cliché, comme une révolution retentissante?
Heureusement, il existe des acteurs qui s’évertuent à communiquer et vulgariser la science, à la sortir des laboratoires pour la rendre accessible au commun des mortels. Que ce soit par rapport à l’activité physique, à l’environnement ou à n’importe lequel autre sujet, à chaque fois qu’un individu (journaliste, communicateur scientifique, etc.) prend le temps de la mettre en contexte et de la raconter, il combat par le fait même l’obscurantisme, met en échec la pensée magique et, du même coup, rend service à la collectivité.
En fait, il vous rend service, qui que vous soyez.
