«L’exercice, c’est la santé. En atteignant les recommandations de base en matière d’activité physique, vous retirerez de nombreux bénéfices pour celle-ci. Vous abaisserez votre tension artérielle, vous réduirez vos risques de développer un cancer, vos préserverez votre densité minérale osseuse, vous…» Quoi, vous dormez déjà ?
Bienvenue dans le club : très peu de gens passent au travers de ce discours répété ad nauseam par tout ce qui existe de professionnels de la santé bien-pensants sans cogner des clous. Un discours qui, à la manière d’une vieille cassette usée et périmée, ne fait plus effet… si effet il y a déjà eu.
Car, aussi miraculeuse qu’elle soit, la pilule de l’activité physique a toujours été et reste un remède difficile à faire avaler. La raison : sa promotion basée sur le concept des bénéfices-santé. «Faites du sport maintenant et vous serez éventuellement en santé» en est grosso modo le refrain. Drôle de message en ces temps d’instantanéité et de «achetez maintenant, payez plus tard», n’est-ce pas ?
La réalité, c’est qu’aussi importante qu’elle soit, la santé ne constitue pas un objectif soutenable et durable. Pas assez motivant. Trop éloigné dans le temps. Et à peine gratifiant.
C’est pourquoi il est temps d’adopter une approche différente quant à la promotion de l’activité physique. Une approche correspondant non seulement davantage au vécu des gens, mais surtout qui met l’emphase sur des bénéfices immédiats, dont l’impact sur la qualité de vie se fait sentir au quotidien. Bref, il faut convaincre que l’investissement en temps et en énergie qu’implique le fait de bouger permet de se sentir mieux, c’est-à-dire plus énergisé, moins stressé, plus productif et, en fin de compte, plus heureux.
Mais concrètement, comment y arriver ? Dure question. Voici tout de même une tentative de réponse : en dressant des parallèles entre deux concepts qui pourtant semblent assez éloignés l’un de l’autre, soit l’activité physique et la méditation dites «de pleine conscience», ou mindfulness.
Mindfulness?
Oubliez tout de suite la vision caricaturale du yogi en position du lotus fixant le vide et murmurant inlassablement un mantra : la méditation de pleine conscience est davantage une attitude – voire même un état – qu’une discipline rigoureuse visant l’atteinte de la soi-disant zénitude. En fait, le mindfulness consiste à être là au moment présent, sans jugement, en accueillant tout ce qui vient aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur de soi. Bref, c’est simplement le fait de débrancher le pilote automatique qui guide le quotidien afin de mieux se recentrer sur ses états d’âme.
Généralement, on décrit cet état comme l’atteinte d’un très grand niveau de concentration doublé d’un certain sentiment de détachement. L’esprit hyperactif et hiérarchisé arrête de s’emballer. Il stoppe net ses ruminations à propos du passé et de l’avenir pour devenir complètement absorbé par le moment présent. Les pensées ne se bousculent plus dans la porte de l’esprit, mais y entrent une par une, naturellement et à leur rythme.
Le tout s’accompagne par une moins grande susceptibilité aux stimuli négatifs ainsi que par une plus grande sensibilité à son environnement et à ses perceptions. Il n’est pas rare de constater une perte plus ou moins prononcée des repères temporels.
Le mindfulness consiste à être là au moment présent, sans jugement, en accueillant tout ce qui vient aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur de soi.
Longtemps, on a associé à tort la méditation à une certaine forme de religion, d’endoctrinement, voire même de sectarisme. Aujourd’hui, toutefois, cette connotation spirituelle a laissé place à son usage comme outil d’équilibrage et de régulation émotionnel, tout particulièrement dans le milieu de la santé. Appuyé par une documentation scientifique foisonnante, le mindfulness, parmi tant d’autres, est reconnu pour ses effets autant physiques que psychologiques (diminution du stress, de l’anxiété et de la douleur chronique, amélioration des défenses immunitaires, de la sensation de bien-être et de la qualité de vie, etc.).
Mais encore?
Là où la méditation de pleine conscience devient vraiment intéressante, c’est lorsqu’on la compare à la performance optimale, ou le «flow», un état bien connu des sportifs en général qui y réfèrent souvent comme «la zone». Les principales caractéristiques de ce concept élaboré par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi : sensation d’être «groundé» et en contrôle, sentiments et pensées positives, très grande concentration, perception erronée du temps. Autrement dit, les mêmes expériences vécues lorsqu’on s’adonne à la méditation de pleine conscience. Pure coïncidence? Non, plutôt une simple réalité trop souvent occultée.
Car c’est bien là le cœur de cette réflexion : en soi, l’activité physique est une forme de méditation. Malgré son caractère mouvant, elle apporte les mêmes bienfaits au quotidien pour autant qu’on l’y intègre. Eh oui, l’activité physique en tant que méditation mouvante permet non seulement de jouir de ses nombreux et sur-publicisés bénéfices-santé, mais elle possède surtout la capacité de changer quelque chose dans la saveur de la vie tout en modifiant la capacité d’attention et d’action dans le réel.
Abordé sous cet angle, l’entrainement quotidien ne constitue plus une tâche à vocation productive, mais bien un moment où l’existence reprend un peu de son véritable sens. Infiniment plus digeste comme message de santé publique, n’est-ce pas?