En 2015, le Pape François publiait sa lettre encyclique Laudato si‘: (loué sois-tu) qui comporte 184 paragraphes répartit sur environs 90 pages. Cette lettre, qualifiée comme très progressiste, traitait principalement de réflexions liées au climat, notre relation avec l’environnement et de justice sociale, plus particulièrement dans un contexte de crise sociale et climatique. En gros, il incite à repenser la manière dont l’humanité interagit avec la nature. Il appelle à une action collective afin de lutter contre la crise environnementale qui, avec sa montée fulgurante, créer de plus en plus d’injustice sociale. Plus récemment, en début octobre, il publie une courte suite à celle-ci, Laudate Deum (louez Dieu), en préparation à la 28e Conference of the Parties (COP) qui se tiendra à Dubaï. Dans celle-ci, il reprend essentiellement ce qu’il avait déjà écrit. Laissez-moi vous dire une chose, le Pape François n’a jamais vu aussi clair.
Déclaration
Avant toute chose, j’aimerais informer les lecteurs que je ne suis ni catholique, ni agnostique. Je suis athée. Cependant, j’ai grandi dans une famille qui s’est fait transmettre les valeurs de l’Église catholique, comme beaucoup de Québécois d’ailleurs. Je n’ai mis les pieds à l’église que quelques fois dans ma vie, lorsque j’étais enfant.
La dernière fois, c’était un Noël et nous y allions par obligation de ma grand-mère. Cela a également été la dernière fois, puisque mon père est arrivé en retard, en motoneige. C’était magique de voir le malaise de ma famille face à l’entrée de mon cher paternel, sentant à plein nez l’essence, avec le bruit de son pantalon de neige frottant sans cesse ensemble qui enterrait les paroles du prêtre. Autant vous le dire, ce ne fut pas le moment le plus glorieux pour la famille Bathalon.
Ma famille élargie n’a jamais entretenu de relation positive avec l’église, probablement pour des raisons historiques. À l’aube de mes vingt ans, je me suis fait débaptiser. Pour des raisons forts simples : je ne me reconnaissais pas dans cette école de pensée. Mais au fil de mes rencontres, j’ai développé un certain respect pour la religion. Je tenais à vous en faire part, afin que vous puissiez bien cerner dans quel état d’esprit je me situe présentement pour analyser la plus récente publication du Pape François.
Le Pape François, un descendant de Marx?
Cette comparaison me fait fort rire, car elle me fait réaliser que certaines valeurs sont intemporelles et universelles. Je tiens à mettre les choses au clair, on ne peut avancer que l’actuel Pape est marxiste. D’ailleurs, le sociologue et philosophe, Michael Löwy, le dit clairement dans son texte Laudato si’. Une Encyclique anti-systémique, « Bergoglio n’est pas un marxiste, et le mot « capitalisme » n’apparait pas dans l’Encyclique… Mais il reste très clair que pour lui, les dramatiques problèmes écologiques de notre époque sont le résultat d’ « engrenages de l’économie mondialisée actuelle » – engrenages constitués par un système global, « un système de relations commerciales et de propriété structurellement perverses »».
Le texte papal n’incrimine pas directement le capitalisme, par contre, il pointe du doigt le consumérisme de masse ainsi que la recherche constante de profit au détriment de la nature et des humains. Je ne suis spécialiste en rien, mais je pense pouvoir faire un rapprochement avec ces idées et les rouages du capitalisme. On peut nuancer en disant que le Pape s’adresse à tous, disant que tous doivent contribuer. Par contre, on peut sentir qu’il accuse davantage les richissimes de ce monde ainsi que les climatosceptiques.
Notre terre, notre « Maison »
Étant activement impliquée dans la lutte au changement climatique depuis mon adolescence, des textes sur ce sujet, j’ai dû en lire des centaines. La chose qui m’a le plus surprise, voire déboussolée, c’est que celui-ci n’a jamais autant raisonné en moi. Il m’est difficile de dire pourquoi exactement, mais j’aurais tendance à dire que c’est la spiritualité – voire l’écospiritualité – qui en est reliée.
Pour parler de la Terre, de notre environnement, le Pape utilise le mot « Maison » dans sa première parution de 2015. Ce mot, pour moi, est très significatif, et c’est à ce moment qu’on se rejoint. Une maison ce n’est pas qu’un simple immeuble, c’est un milieu de vie, c’est un espace chaleureux, c’est un endroit d’existence. Ma conception de la nature n’est pas physicaliste, il a plus que de la matière. Celle-ci a des réelles influences sur nous, notre développement et on peut certainement dire la même chose en inversant les rôles.
Le plus gros paradoxe
Pour le chef d’État du Vatican, seuls les hommes sont à blâmer pour cette crise écologique. Ce sont eux, d’éternels insatisfaits, qui ont toujours développé de plus en plus les technologies qui nous ont conduits au bord du gouffre. Il souligne l’un des plus gros paradoxes de l’humanité : celle des humains qui détruisent la Terre avec des technologies de pointe pour finalement vouloir renverser le sort avec d’autres technologies de pointe.
« Éthique décadente »
Il accuse également les grands de ce monde de n’avoir aucune éthique reliée à leur pouvoir. Encore une fois, selon ma personne, le Pape François est plus lucide que jamais. Je ne commencerai pas à parler de ces grandes multinationales qui font des profits faramineux sur des populations vulnérables, mais nous savons tous que cela existe. Nous savons également que certains se fichent royalement de détruire des écosystèmes (qui incluent les humains), et ce, car ils ne sont pas imputables. L’aspect moral de ce texte le rend d’autant plus crédible. Il est très au fait que les changements climatiques se traduisent de plus en plus en inégalités sociales.
Conclusion
Je conseille vivement cette lecture à tous. Celle-ci s’appuie sur des faits scientifiques et sa dimension spirituelle et morale rend son interprétation propre à chacun. J’aurai pu écrire des pages sur cette courte lettre, c’est pratiquement chaque paragraphe qui résonne. Ils poussent à repenser sans cesse la domination que l’homme entreprend sur sa « Maison ». Peu importe vos horizons, ce texte saura très certainement vous choquer par le portrait juste que le Pape érige en plus de son analyse soutenue, le tout, transmis dans un vocabulaire soutenu, mais très accessible. Le seul reproche qu’on peut lui faire constitue la solution simpliste qu’il offre, c’est-à-dire de créer des relations internationales qui respectent l’environnement, sans dire comment procéder pour y arriver. Bref, cela reste un texte de réflexion fort intéressant.
Sources
Contributeurs aux projets Wikimedia. (2023, 28 octobre). Laudato si’. https://fr.wikipedia.org/wiki/Laudato_si%27
De Larminat, S. (s. d.). Laudate Deum – Analyse – Ethique et politique. Ethique et Politique. https://www.ethique-politique.fr/laudate-deum-analyse/
Giraud, G. & Orliange, P. (2017). Laudato si’ et les Objectifs de développement durable : une convergence ?. Études, , 19-30. https://doi.org/10.3917/etu.4234.0019
Greiner, D. (2015, 18 juin). Les clés pour comprendre l’encyclique sur l’écologie du pape François. La Croix. https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Les-cles-pour-comprendre-l-encyclique-sur-l-ecologie-du-pape-Francois-2015-06-18-1324985
Kempf, H. (2023, 6 octobre). Le pape François en croisade contre les climatosceptiques. Reporterre, le média de l’écologie. https://reporterre.net/Le-pape-Francois-en-croisade-contre-les-climatosceptiques
Laudato si’ (24 mai 2015) | François. (2015, 18 juin). https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html
« Laudate Deum » : Apostolic Exhortation to all people of good will on the climate crisis (4 October 2023) | Francis. (2023, 4 octobre). https://www.vatican.va/content/francesco/en/apost_exhortations/documents/20231004-laudate-deum.html
Löwy, M. (2016). Laudato si’. Une Encyclique anti-systémique. EcoRev’, 43, 90-95. https://doi.org/10.3917/ecorev.043.0090
Tv5monde. (2023, 29 octobre). Le pape François publie un nouveau texte sur le climat avant la COP28. TV5MONDE – Informations. https://information.tv5monde.com/environnement/le-pape-francois-publie-un-nouveau-texte-sur-le-climat-avant-la-cop28-2669760
