Étudier à Trois-Ri : Quelle place pour « toé pis moé » à l’université? Petites observations sur le français québécois

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Quand on commence l’université ou qu’on vient d’arriver au Québec pour étudier, on peut se demander quelle place les établissements d’enseignement postsecondaires, comme les cégeps et les universités, réservent au français québécois. Je vous propose ici un petit survol de la question. Mais d’abord, quand on pense au « français québécois », on pense à quoi? Eh bien, ce qu’on identifie le plus souvent comme appartenant au « français québécois », ce sont des mots comme « drette » ou « frette » ou les sacres, si particuliers. Ce sont, somme toute, des expressions, des façons de parler ou du vocabulaire qui sonnent particulièrement informels. Mais notre variété linguistique se résume-t-elle à l’informalité?

Les trois registres de langue

Il y a quelques années déjà, la merveilleuse linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin (AMBB) a répondu à cette question de façon brillante en se servant de la notion de registre. Il y en a qui parlent plutôt de niveaux de langue ; dans tous les cas, la plupart des sources en dénombrent trois principaux : soutenu, courant et familier. Le registre soutenu serait plutôt littéraire (pensons au passé simple : j’aimai, nous écrivîmes, vous appréciâtes…); le registre courant correspondrait au français « standard » correct, employé dans la vie de tous les jours et relativement neutre ; le registre familier, enfin, est plutôt oral et on l’emploie avec sa famille, ses amis.

Dans toute langue ou variété linguistique, il existerait ces trois registres. La variété québécoise du français ne fait pas exception : « drette » (qui signifie « droit ») ou « frette » (qui signifie « très froid ») appartiennent au français québécois familier, mais le français québécois courant se sert aussi des mots « droit » et « très froid ». AMBB, dans son travail, met d’ailleurs de l’avant que, plus on s’éloigne du registre familier, plus les variétés d’une langue se ressemblent. Il est donc tout à fait naturel que le français québécois familier sonne bien différent du français « standard ». D’ailleurs, on passe souvent du registre familier au registre courant pour se faire comprendre entre locuteurs de différentes variétés linguistiques : un Québécois ne comprendra pas « j’ai kiffé la teuf » et un Français ne comprendra pas « j’ai trippé ben raide su’l’party », mais les deux, si on passe au registre courant, comprendront « j’ai vraiment aimé la fête ». Cela dit, le français québécois dispose aussi d’expressions particulières au registre courant : dans mon travail de traduction, on m’a répété que « poser une action » ou « mettre de l’avant », une tournure que j’ai utilisée au début de ce paragraphe, ne se retrouvent pas en français hexagonal, par exemple.

Y a-t-il un registre à privilégier?

Bon, donc on a établi que toutes les variétés d’une langue avaient trois registres, mais cela signifie-t-il que le français familier, et plus spécifiquement le français québécois familier, est inférieur? En fait, non. AMBB compare les registres de langue à des vêtements. Disons que le registre soutenu pourrait être un complet avec cravate ; le registre courant, des jeans propres avec une chemise; et le registre familier, un pyjama. Elle souligne après que tous ces vêtements ont leur place et leur fonction particulière : se présenter à un gala en pyjama serait inacceptable, mais se présenter à un party pyjama en complet aussi. Dire que le registre familier et notamment le registre familier québécois est inférieur, c’est ne pas comprendre l’utilité des pyjamas!

De la même façon, il n’existe pas de variété linguistique inférieure. Tout comme les Brésiliens parlent vraiment portugais, les Colombiens parlent vraiment espagnol et les Américains parlent vraiment anglais, les Québécois parlent vraiment français, au même titre que les Français. Il n’existe pas de peuple ayant intrinsèquement un monopole sur une langue. Imaginez à quel point ce serait réducteur…

La place du français québécois à l’université

Revenons maintenant à la question du début : le français québécois a-t-il sa place dans les établissements d’enseignement postsecondaires comme l’UQTR? Mais bien sûr! Le français utilisé par des Québécois francophones est du français québécois. Il est donc partout à l’UQTR. Pour éviter, en général, d’utiliser des mots de façon inappropriée, il suffit de comprendre à quel registre ils appartiennent et de les utiliser dans des situations de communication où ce registre est approprié. Disons que « toé pis moé », c’est bien acceptable pour des matchs d’improvisation à la Chasse-Galerie et des discussions entre collègues de classe, mais beaucoup moins dans tes présentations orales sommatives ou si tu essaies de décrocher un emploi.

Ah, mais j’oubliais : l’accent est aussi particulièrement associé au français québécois! Je vous reparle de cet accent dès la semaine prochaine, dans cette nouvelle chronique : Étudier à Trois-Ri.

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