La FémiNazgûl: WandaVision et l’étiquette féministe

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Crédit: Sarah Gardner

J’ai vu passer cette semaine un article de Courrier International sur la récente mini-série WandaVision. Et j’ai aussitôt tiqué à la lecture de la première phrase, qui indique que la série «évite l’écueil de se revendiquer ouvertement féministe au seul prétexte que le personnage principal est une femme». La première partie de la phrase m’a fait rouler des yeux. Puis la deuxième m’a plongée dans un abîme de réflexions que je tente de démêler dans cette chronique.

Féministe ou pas?

[Attention, divulgâcheurs potentiels]

Pour remettre en contexte, WandaVision est une mini-série de l’univers cinématographique Marvel (MCU), sortie sur Disney+ entre janvier et mars 2021. Elle se concentre sur le personnage de Wanda Maximoff, alias la Sorcière Rouge (Scarlet Witch). Celle-ci, brisée par ses nombreux traumatismes, utilise ses pouvoirs surpuissants pour créer un univers fictif inspiré de sitcoms, où elle vit heureuse avec son mari Vision, dont la mort brutale a été pour elle l’événement de trop.

Étrangement, avant de tomber sur cet article, je ne m’étais pas vraiment posé la question à savoir si la série était féministe ou non. Je suis pourtant rapide sur le piton, d’habitude (c’est d’ailleurs très pratique pour écrire une chronique sur le sujet). Quelque part, c’est plutôt bon signe. Une œuvre outrageusement sexiste sans réflexion sur le sujet m’aurait fait décrocher automatiquement.

Féministe ou non? Je ne m’étais pas posé la question… et c’est plutôt bon signe.

Une analyse express

Certains éléments auraient pu faire grincer des dents. Par exemple, le personnage de Wanda répond au trope féminin de la magicienne démesurément puissante et incapable de contrôler sa puissance, au point de devenir dangereuse. Toutefois, ce trope implique généralement l’intervention d’un personnage masculin qui règle la situation en aidant ou en neutralisant le personnage féminin, ce qui n’est pas le cas ici… Et que dire du fait que les aspirations de Wanda ne tournent qu’autour de la famille? En fait, on n’a même pas besoin de lancer le débat, puisqu’il s’agit d’un thème secondaire subordonné au thème principal, à savoir la gestion du deuil et des traumatismes.

À l’inverse, d’autres éléments pourraient pencher du côté féministe. Le premier épisode de WandaVision réfère directement aux sitcoms des années 1950, le suivant à ceux des années 1960, etc. Autant dire qu’au début, les tentatives de Wanda pour devenir une épouse parfaite des années 50 provoquent un vif décalage qui ne peut qu’être volontaire. On mesure assez bien le chemin parcouru depuis cette époque… De plus, le personnage de Wanda et surtout celui d’Agatha Harkness explorent largement la figure de la sorcière, dont j’ai déjà analysé ici la composante féministe. Cela suffit-il à en faire une série féministe pour autant?

Le marketing féministe

Finalement, la question dépasse le simple cadre de la série WandaVision. En fait, à chaque super-héroïne portée à l’écran, la production s’empresse bien souvent de brandir l’étiquette féministe comme un argument de promotion. Or, j’ai déjà exprimé mon malaise à voir le féminisme récupéré de cette manière, qui contribue à faire passer les droits humains pour une simple mode destinée à disparaître tôt ou tard.

J’ai déjà exprimé mon malaise à voir le féminisme récupéré par le marketing.

En ce sens, je ne peux pas vraiment me plaindre que la campagne de promotion autour de WandaVision refuse de jouer sur cette corde. C’est là que je me retrouve étrangement d’accord avec la phrase de Courrier International: avoir un personnage principal féminin n’est pas un prétexte suffisant pour qu’une œuvre puisse se revendiquer féministe. Et si on m’avait présenté cette série comme telle, j’aurais probablement eu des attentes différentes… et j’aurais peut-être été déçue. J’aurais peut-être affirmé que ça n’allait pas assez loin.

Le féminisme selon Maisie Williams

Toutefois, je me suis demandée à quel point le féminisme se devait d’être revendicateur pour pouvoir s’affirmer comme tel… Quelles cases faut-il cocher et combien faut-il en cocher pour décrocher l’étiquette?

En 2016, l’actrice Maisie Williams proposait de renverser le paradigme et de considérer le féminisme comme la norme, non pas comme l’exception. Pour elle, on ne devrait pas avoir besoin de s’afficher comme féministe: ce sont les non-féministes qui devraient être affichés comme «sexistes». L’idée a de quoi séduire, surtout lorsqu’on considère qu’en 2017 (avant #MeToo, précisons), près de trois quarts des Québécois et 60% des Québécoises refusaient de s’identifier comme «féministes», bien que la majorité soit favorable à l’égalité homme-femme…

Selon Maisie Williams, on ne devrait pas avoir besoin de s’afficher féministe.

Si l’on adopte cette perspective, alors WandaVision pourrait être effectivement considéré comme féministe. Un féminisme «normal», en creux, qui n’aurait pas besoin de s’afficher comme tel, mais qui afficherait simplement une absence de sexisme. Rien que ça, ça fait déjà du bien. Peut-être est-on renduEs à cette étape: dans ce cas, le fait que WandaVision ne se revendique pas ouvertement féministe serait effectivement une bonne nouvelle.

Je déchausse toutefois mes lunettes roses pour rappeler que la solution proposée par Maisie Williams n’est pas absolue. On a encore besoin d’œuvres ouvertement féministes. Pour rester dans le registre des super-héroïnes, on peut par exemple citer l’excellente série Jessica Jones annonciatrice de #MeToo, ou bien le film Harley Quinn: Birds of Prey qui a été un vrai souffle d’air frais. Des œuvres pour lesquelles le féminisme n’est pas qu’une étiquette marketing dépourvue de tout contenu.

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