Par Maxime Bilodeau, chroniqueur
Le mardi 12 février dernier, une commotion s’est produite dans le petit, mais néanmoins effervescent monde du sport. En effet, à la suite d’une résolution du Comité international olympique (CIO), il a été annoncé que la lutte serait exclue du groupe sélect des sports principaux des Jeux olympiques d’été de 2020. Motifs (non-officiels) de la décision du CIO : pas assez populaire, trop antique.
La lutte se retrouvera donc en concurrence directe avec sept autres disciplines sportives pour se tailler une place dans le programme olympique 2020. Parmi celles-ci, on en retrouve des bien connues telles que l’escalade et le baseball/softball, mais également d’autres plus atypiques comme la planche nautique (wakeboard) ainsi que le… Wushu. Le quoi?
Le terme mandarin Wushu désigne en fait l’ensemble des arts martiaux chinois et constitue chez ce peuple millénaire une véritable institution. Parlez-en à Yannick Benoît, détenteur d’un diplôme d’études universitaires (l’équivalent ici d’un baccalauréat) en arts martiaux à l’Université des sports de Beijing et fondateur de l’Institut Québec Wushu situé à Drummondville, une des trois seules écoles spécialisées en la matière au Québec. «Là-bas, le Wushu est tout aussi populaire que l’est le hockey sur glace ici, nous confie-t-il. On y retrouve de nombreuses écoles privées ainsi que des structures à tous les niveaux scolaires. Chaque école est dotée de sa propre équipe de compétition.»
Popularisé au cinéma par des acteurs comme Bruce Lee, Jet Li ou Jackie Chan, le Wushu est davantage connu en Occident sous le nom de Kung Fu. Or, selon Yannick Benoît, le Kung Fu réfère davantage à la maîtrise d’une technique qu’au Wushu. «Tu vas te faire comprendre si tu parles de Kung Fu en Chine, mais tu vas te le faire dire.»
Encore aujourd’hui, on le retrouve abondamment dans la culture populaire. Que ce soit dans des films comme Tigre et Dragon (2000) et Héros (2002) ou encore dans des spectacles à grand déploiement comme Kà du Cirque du Soleil, nous sommes dans les faits plus familiers avec cette discipline, et plus particulièrement avec sa forme artistique, le Taolu, que nous le croyons.
Il faut l’admettre, le Wushu, ça en jette. Beaucoup même. «En compétition, on recourt à des armes comme l’épée, la lance ou les doubles sabres ainsi qu’à de nombreux styles de combat à mains nues pour créer des chorégraphies d’une durée d’environ une minute et trente secondes. Allié à un mélange de souplesse, de coordination et d’explosivité, cela en fait un spectacle haut en couleur et en rebondissements», affirme le Québécois spécialiste du Wushu.
«Je pense que le caractère flamboyant du Wushu est une des raisons qui expliquent sa présence sur la liste des huit sports susceptibles de figurer aux Jeux olympiques de 2020». – Yannick Benoît, spécialiste du Wushu
Du même souffle, il ajoute : «Je pense même que le caractère flamboyant du Wushu est une des raisons qui expliquent sa présence sur la liste des huit sports susceptibles de figurer aux Jeux olympiques de 2020.»
Venons-y d’ailleurs. Le Wushu fait un peu figure de bizarrerie sur cette liste, du moins à nos yeux d’Occidentaux. Y mérite-t-il vraiment sa place? «À l’extérieur du Québec qui compte grosso modo 500 participants, le Wushu est plus connu qu’on ne le pense. Au Canada, par exemple, à peu près 8 000 individus s’y adonnent et ce, malgré qu’ils se situent principalement dans des villes comme Vancouver et Toronto où la communauté chinoise se concentre. Au niveau mondial, de nombreux pays situés sur tous les continents possèdent leur propre fédération de Wushu. Le tout est administré par l’IWUF, la fédération internationale de Wushu».
Ok, ça règle la question de la pratique universelle du sport, un critère essentiel à l’inclusion d’un sport au programme des Jeux olympiques. Mais qu’en est-il de ses chances réelles? Y a-t-il lieu d’y croire? «Bien honnêtement, j’y crois, dit le bachelier en Wushu. Déjà, à l’occasion des Olympiques de 2008 à Beijing, le Wushu avait été pressenti par le CIO. Seul le fait que ce soit un sport jugé lui a alors fermé la porte du programme officiel. Cela ne lui a néanmoins pas empêché d’être présenté dans un tournoi parallèle à la grand-messe sportive.»
Ainsi, les probabilités de voir le Wushu aux Jeux olympiques sont bel et bien existantes. Génial, cela restaurera peut-être la couche de vernis «traditionnel» abimée par le retrait de la lutte. Couche qui ne sera sûrement pas restaurée par l’ajout de la planche nautique, si vous voulez mon avis.
Dernière question à Yannick Benoît : admettons que le Wushu soit bel et bien repêché, qu’en sera-t-il alors de la compétition, de la joute olympique? Quelles sont les nations qui s’y démarqueront? «Si on se fie au classement des championnats du monde, la Chine finira première suivie de la Russie et du Japon. Le Canada, quant à lui, occupera le top dix. Or, le problème avec le classement de cette compétition, c’est que la Chine n’y délègue chaque année qu’un seul athlète qui rafle tout, tradition et bagage d’expérience obligent…»
Traduction : la Chine dominera certainement.
À méditer en attendant la décision du CIO à ce sujet. Celle-ci sera rendue en septembre prochain à Buenos Aires en même temps que l’annonce de la ville hôte des Jeux de 2020.