Auteur : Michaël Magny, Département de philosophie et des arts
Par où commencer? J’ai jadis refusé d’être sur le comité d’embauche d’une éducatrice de la halte-garderie parce que je connaissais la candidate et qu’elle était de mon gout. Pour moi, c’est de l’éthique élémentaire.
J’étais allé chez elle trois fois parce que mon meilleur ami fréquentait sa colocataire. J’avais une excuse pour lui parler, j’ai donc appris à la connaitre un peu. J’ai su qu’elle cherchait un job auprès des enfants, je lui ai parlé de la halte, elle était très intéressée, elle a postulé auprès de l’éducatrice principale, elle l’a tout de suite charmée, elle a eu le poste.
Et j’étais absent pendant le comité d’embauche, sur lequel je siégeais pourtant, parce que je jugeais que ma relation avec elle pouvait influencer mon jugement et que, si l’un des dix mille membres que je représentais à l’époque apprenait mon action, il aurait à mes yeux parfaitement le droit de hurler au scandale, qu’elle ait dument mérité cet emploi ou non.
On ne parle pas de ma sœur, on ne parle pas de ma femme, on parle simplement d’une amie qui me faisait de beaux sourires, et j’ai pourtant préféré laisser à d’autres, plus neutres, le soin de dispenser l’argent des dix mille membres sur des ressources humaines que je savais être de qualité.
Question d’intégrité personnelle et d’image professionnelle.
Simple anecdote.
L’AGE UQTR est une personne morale dont la vocation est politique. Sa légitimité se fonde sur sa capacité de mobilisation, elle-même dépendante de la confiance qu’on lui accorde. Elle fait valoir nos droits auprès des instances qui lui sont supérieures et elle soutient (techniquement) les instances qui lui sont inférieures poursuivant les mêmes buts qu’elle. À travers tout ça, elle organise des partys pour se faire connaitre, elle finit donc par se faire connaitre surtout comme une organisatrice de partys.
Une bien belle image, si on s’arrête aux Shows de la rentrée et au Carnaval. Panem et circenses. Quand on creuse un peu cependant (vraiment, un tout petit peu, pas besoin de discuter avec tout le monde pendant quatre ans pour voir le problème), on se rend vite compte que:
– Le quorum de l’Assemblée générale, de 60 personnes pour 10 000 membres, est généralement à peine atteint.
– Le taux de vote aux élections du conseil exécutif avoisine les 10% (le DGE de cette année espère ambitieusement atteindre les 15%).
– Le nombre total de candidatures est inférieur au nombre de postes sur le conseil exécutif (la chaise est un candidat à prendre au sérieux).
– Très peu d’étudiants non-administrateurs siègent sur les comités.
Ce sont de graves problèmes, parce que: «L’AGE UQTR est une personne morale dont la vocation est politique. Sa légitimité se fonde sur sa capacité de mobilisation, elle-même dépendante de la confiance qu’on lui accorde.»
Et il y a des gens qui trouvent ça normal.
La question qui tue: Pourquoi sommes-nous dans une semblable situation? Y aurait-il un problème avec notre image?
Serait-ce parce que l’éthique élémentaire dont j’ai parlé plus haut n’est pas appliquée par l’ensemble des décideurs? Ou est-ce parce que ces mêmes décideurs ne voient pas de problème à déroger aux statuts et règlements généraux et aux politiques parce que c’est coutume d’y déroger? Ou encore parce que les rares étudiants s’intéressant aux décisions plus substantielles que les partys «s’acharnent» contre les individus qui commettent les erreurs qu’on les laisse commettre?
Ou parce que notre conseil d’administration ne fait pas la différence entre des collègues de travail sympathiques et des ami(e)s en situation conflictuelle, distinction cruciale pour la saine gestion des ressources humaines de tout organisme public? Parce qu’on se moque des décisions prises en Assemblée générale? Parce qu’on brandit des menaces de poursuite à tout-va?
Toutes ces réponses? Aucune?
Aucune, évidemment. Tous les éléments énumérés plus haut n’ont rien à voir avec la situation, et c’est tout pétri de mauvaise foi que j’intente un tel procès moral à une institution aussi droite et prospère que l’AGE. Juste à voir ses états financiers et son taux d’implication exemplaire, aucun travail d’introspection n’est ici nécessaire.
Suis-je bête…
J’ai démissionné. À un mois et demi de la fin de mon mandat. Un mois et demi pendant lequel j’aurais pu être payé à ne rien faire si je l’avais voulu, les procédures pour me «renvoyer» étant trop longues et trop compliquées pour que quelqu’un s’en donne la peine.
J’écris ces lignes avec deux craintes. La première, que quelqu’un confonde la liberté d’expression que j’exerce ici avec de la diffamation et utilise les fonds de l’association pour faire justice à son ego.
La deuxième, beaucoup plus importante, est que cette lettre reste lettre morte, comme bien d’autres lettres avant, pourrissant dans les archives pour avoir montré à l’AGE son reflet.
Du gaspillAGE.