Par Noémie Allard-Gaudreau, Ann-Julie Durocher, Sébastien Guertin, Catherine Lemarier-Saulnier, Élise-Laurence Pauzé-Guay, Maxime Pronovost, Jessica Rioux-Turcotte, Carol-Ann Rouillard, Cathy Simon et Sofia Tourigny
L’expression culture du viol vous dit peut-être quelque chose, mais qu’en est-il réellement?
La culture du viol c’est se taire face à des situations qui ne devraient pas exister dans une société!
La culture du viol c’est supposer que la fille qui s’habille sexy veut le faire avec tout le monde, comme si elle ne pouvait pas décider avec qui elle a envie de passer la nuit.
La culture du viol c’est baisser les yeux, regarder ailleurs, faire comme si on n’avait pas entendu le gars nous dire à quel point on a un beau cul.
La culture du viol c’est rire machinalement des blagues de viols sous prétexte que l’Osti d’jeu, c’est juste un jeu, voyons!
La culture du viol c’est reculer juste d’un pas au cas où le mec dans l’autobus cherche encore à frôler nos fesses avec sa main.
La culture du viol c’est d’avoir appris dès ton plus jeune âge à changer de côté de rue parce qu’un groupe de gars marche en sens inverse devant toi.
La culture du viol c’est se sentir mal de demander au doorman d’intervenir, car un imbécile est, disons, trop insistant.
La culture du viol c’est de ne pas rendre public le nombre d’agressions sexuelles sur les campus universitaires pour préserver l’image des institutions.
La culture du viol c’est cette culture de silence et de culpabilisation!
Vous pensez peut-être qu’on exagère, qu’on est juste des féministes frustré-e-s, qu’on dramatise et qu’on n’a pas le sens de l’humour. Les chiffres disponibles nous donnent malheureusement raison.
Au Québec, une femme sur 3 a été victime au moins une fois dans sa vie de violence sexuelle depuis l’âge de 16 ans [1].
Seulement 5 à 10 % des viols sur des femmes majeures font l’objet d’une plainte officielle. De ce pourcentage, seulement 2 à 3 % des agresseurs sont condamnés [2].
C’est donc au moins 90 % des agressions sexuelles qui ne sont pas dénoncées laissant les agresseurs libres et les victimes tenues au silence.
Dans ce contexte, comment se fait-il qu’un party universitaire organisé par plusieurs associations étudiantes puisse porter le nom «Sauf une fois au chalet!».Cette expression qui fait référence à la vidéo tristement célèbre sur YouTube [3] d’un homme de 93 ans qui, alors qu’il est reconnu coupable d’inceste sur ses filles, dit à TVA : «je ne suis pas coupable, j’ai jamais couché avec mes filles, j’ai jamais battu mes filles, j’ai jamais touché à mes filles, excepté une fois au chalet».
Utiliseriez-vous cette expression pour un événement organisé dans le cadre de votre emploi, à l’extérieur de l’université? Permettez-nous d’en douter. Le contexte de «party universitaire» n’est pas un prétexte au laxisme, d’autant plus qu’on en fait la promotion au sein même de l’université. Peut-être vous direz-vous que cette expression est tellement passée dans la culture populaire qu’elle ne réfère plus dans l’imaginaire collectif à cette vidéo?
Laissez-nous en douter, surtout quand les organisateurs de l’événement mettent la vidéo directement sur l’événement Facebook avec l’inscription «Hommage au roi» et que les organisateurs ont prévu «une FrenchZone pour les coquins».
Maintenant à qui la faute? Nous ne souhaitons pas porter le blâme sur les organisateurs de l’événement ou sur l’université et l’Association générale des étudiants de l’UQTR. Cependant, nous considérons qu’il est important de soulever cette réflexion afin d’éviter d’autres manques de jugement similaires. Cette réflexion nous apparait d’autant plus nécessaire dans une société qui semble faire la promotion de la culture du silence et de la culpabilisation plutôt que celle de la culture de dénonciation. Une société qui apprend aux filles à ne pas se faire violer plutôt qu’aux garçons à ne pas violer!
[1] Santé et Services sociaux du Québec, 2015
[2] Santé et Services sociaux, 2015
[3] https://www.youtube.com/watch?time_continue=19&v=ruacDDZB-0Q
[…] Bulle 1 : Lettre d’opinion parue dans le Zone Campus en janvier dernier : https://zonecampus.ca/?p=8527 […]