Opinion: Le cinéma d’auteur, outil de réflexion existentiel

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Par Gabriel Senneville, étudiant à la maîtrise en histoire

Bernard Émond, cinéaste québécois. Photo: Gracieuseté
Bernard Émond, cinéaste québécois. Photo: Gracieuseté

Malgré le fait que le cinéma soit considéré comme étant le septième art, trop souvent, nous accordons de l’importance aux grosses productions hollywoodiennes.

C’est dans la foulée des productions cinématographiques à grand budget tel que Star Wars qu’il est important, à mon sens, de redécouvrir le cinéma d’auteur. J’ai entendu, à maintes reprises, des commentaires négatifs à l’égard de ce type de cinéma en raison de son rythme lent et de ses thématiques plutôt sombres qui nous obligent à réfléchir. Qui, de nos jours, a envie de réfléchir devant un écran de télévision? Je ne critique pas la présence du cinéma de divertissement. Cependant, je crois qu’il faut redécouvrir le cinéma d’auteur tant québécois qu’européen. On reproche souvent au cinéma de ne jamais égaler son penchant littéraire. Cependant, je crois fondamentalement qu’un film, tout comme un livre, peut engendrer une réflexion sur nous-même. C’est en ce sens que je vous propose de découvrir le cinéma de Bernard Émond, mais plus particulièrement, le film Le journal d’un vieil homme.

L’auteur nous propose une réflexion sur le sens de la vie et de la mort dans un contexte de maladie. Sachant qu’il est condamné par la maladie, un médecin se questionne sur son existence et sur celle de Dieu. Il serait malheureusement facile d’accuser Bernard Émond d’être un pessimiste. Cependant, son film est empreint d’un réalisme et d’un amour de la vie. En entrevue à l’émission C’est Fou, sur la Première Chaîne de Radio-Canada, Bernard Émond se définit comme étant un non-croyant. Il est intéressant de constater la distinction qu’apporte l’auteur entre l’athéisme et la non-croyance qui est empreinte de doute. Cette distinction est centrale dans le film, car elle permet de bien comprendre le propos du personnage principal qui, à la veille de sa mort, affirme: «Je ne crois pas en Dieu et je le regrette». À l’écoute de ces mots, je me vis rempli d’une certaine amertume. Tout comme ce personnage, l’idée de ma propre mort me terrifie et engendre un profond sentiment de vide intérieur, comme si une pièce du casse-tête était manquante.

Devant ce vide à combler, je me retrouve seul et unique responsable de mon bonheur et de mon malheur. Je constate et me désole que de nos jours, nombreuses sont les personnes qui repoussent ce type de réflexion sur la mort en s’évadant dans des activités diverses afin de combler ce vide intérieur.

Bernard Émond, le Bergman québécois face à la philosophie.

Il n’est pas faux d’affirmer que Bernard Émond est le Bergman québécois, puisque plusieurs scènes du film nous rappellent le cinéma existentialiste d’Ingmar Bergman. Les remords ainsi que les angoisses du protagoniste, en ce qui a trait au fait d’accorder plus d’importance à sa carrière qu’à sa famille, nous rappellent le médecin du film Les Fraises Sauvages qui, face à la mort, tente de rattraper le temps perdu. L’insomnie et la peur de mourir dans son sommeil présentes dans le film d’Émond nous rappellent L’Heure du Loup, où le personnage principal reste éveillé jusqu’à l’aube afin d’éviter la mort. Bergman nous propose une vision philosophique de l’existence humaine empreinte d’un fort sentiment de doute existentiel dans son film le Septième Sceau. Grâce à une quête métaphysique, l’auteur nous propose plusieurs pistes de réflexion sur l’existence de Dieu et le sens de la vie. Pour lui, ce qui importe, c’est l’amour de la vie malgré l’absurdité de celle-ci. La présence de la philosophie d’Albert Camus dans ces œuvres cinématographiques n’est pas à négliger. Dans le doute ou l’absence de Dieu, Camus nous propose une vision teintée d’optimisme face à une existence a priori fataliste. Parfois, j’en viens même à envier les personnages de condamnés à mort de Camus ou celui de Émond, non pas par désespoir, mais bien dans l’optique que nous avons tellement peur de la mort que nous la chassons de nos pensées et nous remettons à plus tard l’angoisse de notre fin. Face à ce vide angoissant, j’ai trouvé dans les écrits de Camus et les films d’Émond et Bergman, une manière de voir la vie sous un angle nouveau.

Il faut donc apprendre à aimer sa vie et son malheur. Tout comme le personnage de Meursault dans l’Étranger d’Albert Camus, il faut aimer sa vie et être prêt à tout revivre. Le fait de vivre avec la pensée de la mort, à mon sens, nous permet d’apprécier les choses anodines de la vie. La contemplation d’un ciel étoilé, un arbre en automne, une conversation et le regard d’un proche sont des choses qui deviennent magnifiques lorsque l’on prend le temps de se dire qu’il s’agit peut-être de la dernière fois.

«The only way to be happy is to love. Unless you love, your life will flash by» – Terrence Malick

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