Opinion: Les 3 petits cochons

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Auteur : Normand Leclerc, Université du troisième âge

En réponse à l’opinion de Kossi Fabrice Sodoke: «Au nom de la loi?» (volume 9, numéro 11)

De façon à ne pas l’oublier, je tiens à préciser, Monsieur Sodoke, que nous vivons (du moins officiellement) dans une société de droit, et que vous avez tout à fait celui d’être croyant. J’ajouterais que, temporairement ou définitivement, pour votre équilibre personnel, vous avez probablement le besoin de croire. Aussi, si j’ai un conseil à vous donner, c’est celui d’arrêter la lecture de ma réponse et de retourner à la lecture de la Bible… maintenant.

Stupidité? Et/ou folie?

Vous résumez la pensée qui émane de vos lectures des chroniques précédentes traitant de religion dans cette formule lapidaire: «La religion est stupide». Avant de nous poser la question «La religion est-elle stupide?», il convient de nous demander: «Qu’est-ce qu’être stupide?» Le Petit Larousse me dit que quelqu’un de stupide «manifeste un esprit lourd et pesant, un manque d’intelligence, de réflexion». Cela ne s’applique-t-il pas à la religion, donc aux gens religieux… sans vouloir insulter personne, parce que, voyez-vous, il fut un temps où j’ai fait partie de cette confrérie. Poursuivons avec la folie: «La religion est-elle une folie?» Le même Larousse m’apprend que c’est le «caractère de ce qui échappe au contrôle de la raison». N’est-ce pas le propre de la religion? Elle vous introduit dans un monde imaginaire (le royaume de Dieu); elle vous amène à parler à un ami imaginaire (Dieu, Jésus); elle vous promet une récompense imaginaire: le paradis, ou une punition tout aussi imaginaire, l’enfer. Est-ce que c’est cette «vraie vie» dans l’imaginaire qui vous intéresse?

Josué vs Copernic

Je présume que vous êtes conscient que la Bible, s’affirmant comme une Révélation de Dieu, ne peut se tromper: c’est un livre inspiré de Dieu. Si une seule erreur s’y trouve, elle est vaine, et c’est tout l’édifice de la foi qui s’écroule. Est-il possible de «pointer» une erreur? Si j’avais à en indiquer une, à travers une multitude, ce serait Josué arrêtant le soleil. En passant du géocentrisme à l’héliocentrisme, ce mythe est insoutenable depuis Copernic. Comment l’Église y a-t-elle survécu? Comment la foi d’un croyant peut-elle y survivre? N’est-ce pas un bel exemple d’aveuglement (plus ou moins) volontaire? Comme vous le dites si bien, «plusieurs rejettent Dieu et la Bible en toute connaissance de cause, plusieurs les rejettent par simple ignorance». Quelle sera votre position à partir de maintenant?

Le pari de Pascal

J’ignore si vous êtes gambler, mais, un jour ou l’autre, vous serez peut-être tenté par le fameux pari de Pascal, à savoir que Dieu existe. Il disait: «Si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est sans hésiter.» Le pari vous tente? Vous hésitez? Vous faites bien: c’est une arnaque! Il faudrait plutôt dire: vous ne pouvez rien gagner, sauf «le fruit de l’imaginaire». Quant à ce que vous perdez, c’est toute votre vie, passée en d’inutiles rituels et en vrais sacrifices… en particulier le sacrifice de votre sexualité, cet élément si important pour votre bonheur. De quelle façon? Si vous vous passez un «Dieu seul me voit» (autrement dit: si vous vous masturbez, au cas où l’expression serait périmée), vous êtes bon pour l’enfer, car la masturbation est toujours considérée, officiellement, comme un péché mortel. Alors, toujours intéressé à parier?

Les 3 petits cochons

Laissez-moi vous raconter la triste et belle histoire de ces trois porcelets. Le premier bâtit sa maison en paille. Le loup vint et le mangea. Le second construisit la sienne en bois. Elle ne résista point au loup qui le mangea également. Quant au troisième, il érigea sa maison en pierres, et le grand méchant loup ne put en venir à bout. Vous vous demandez sans doute où je veux en venir avec ce conte? Le premier petit cochon, qui bâtit sa maison en paille, me semble correspondre à celui qui construit sa «citadelle intérieure» (comme le disait Épictète) avec la «vision du monde» de la religion. Ce sont des naïfs, pas encore sortis de l’enfance, qui se feront bouffer par le grand méchant loup (la vie) aux premières sérieuses difficultés. Le second porcelet qui construit sa maison en bois s’applique à celui qui bâtit sa «citadelle intérieure» sur la philo traditionnelle. Celle-ci, en tant qu’héritage chrétien, n’est, pour l’essentiel, que de la théologie laïcisée. Quant au troisième, c’est celui qui bâtit sa maison intérieure sur la vraie philo, qui est réflexion, donc accessible à tout le monde. J’espère que vous, Monsieur Sodoke, qui faites partie du Département de génie mécanique, et qui, du moins je le suppose, vous servirez de votre raison pour votre travail, saurez vous servir de cette même raison pour construire votre «château intérieur», c’est-à-dire répondre aux trois grandes questions (D’où viens-je? Qui suis-je? Où vais-je?), de même qu’aux innombrables petites questions de la vie quotidienne. En fait, le choix vous revient: préférez-vous être le petit cochon qui bâtit sa maison intérieure sur le surnaturel? Ou sur la nature?

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