
Par Chloé Rousseau, étudiante au baccalauréat en philosophie
En cette période post-Nöel et post-apocalypse des dommages collatéraux du capitalisme américain, à quoi penser? Je vous propose de penser, tout simplement. Le temps nous avale, le stress nous contraint… Toutes les excuses ne sont pas nécessairement bonnes, à mon avis. Depuis plusieurs mois, une grosse épreuve m’a fait réfléchir, penser, douter, mais surtout, réaliser à quel point on ne prend pas le temps de méditer sur soi. Mon opinion «d’après-fêtes» porte donc sur soi, soi-même. Elle est tout à fait subjective, puisque c’est la mienne, n’est-ce pas?
L’être philosophique que je suis est constamment en questionnement, entre les idées métaphysiques de la mort et les analyses antithéologiques, je constate que la réalité – la seule – est finalement la vie. Cette prémisse est pourtant la plus simple, mais la plus oubliée. Je critique et pointe du doigt la naïveté face à notre propre vie. Nous nous oublions en croyant nous trouver dans des insignifiances. Il ne suffit pas de se définir comme un être de métier, où cedit métier n’est présent que pour payer les dettes et le logis: définissons-nous plutôt comme un être pensant, réfléchi, confiant, mais surtout heureux. Le désir de liberté – dans le couple, dans les études, dans le voyage – n’est qu’une illusion qui nous rattrape. La vraie liberté, puis-je dire, est celle de la pensée. Alors, que faisons-nous pour nous sentir libre et heureux? Nous prenons des résolutions après les fêtes…
C’est donc le temps de faire ces fameuses résolutions qu’on ne tiendra pas pour s’illusionner qu’on peut changer les choses : le problème, c’est qu’on a de la difficulté même dans le contrôle de nos propres changements de vie, notre propre vie. Perdre du poids, écraser la clope, arrêter de boire, on va même jusqu’à se faire croire qu’on ne procrastinera plus, mais on sait qu’il n’y a rien de vrai là-dedans, rien pantoute. Des illusions de grandeur, un vent de changement qui arrive le 31 à minuit, nous devenons les Cendrillons de la cigarette écrasée! C’est en écoutant du Mac DeMarco que je m’ennuie de l’été, de sa légèreté et son laisser-aller; l’été me rappelle le bonheur, car l’été, je n’ai pas envie de penser au potentiel futur, je veux le changement présent qui me rend différente, un peu. Je n’ai pas envie de passer quatre heures sur ma photo Instagram, à chercher le parfait filtre et les positions de rêve pour le garçon orgasmique de Tinder, ni à manger mon Ramen dans la sauce sriracha en soupirant la crotte de chat que j’ai à enlever de la litière plus tard… Je veux, comme pas mal tout le monde, juste être bien: pas de complication, pas de stress.
La recherche du bonheur est une quête sans fin
C’est quoi, le bonheur? Pourquoi est-ce que l’on reconnait si facilement le malheur, mais si difficilement la joie? Peut-on vivre les deux, simplement, en même temps ? Le moindre malheur devient vite le souvenir le plus fort dans une journée : l’orteil qui se fracasse sur la table gagne en importance sur le parfait spaghetti mangé le midi. Le bonheur est considéré comme un état global, un bien-être qui dure. Être heureux, c’est une expérience purement humaine, purement individualiste. Il est donc utopique de chercher le bonheur universel et accessible à tous. Les promesses visant cette chimère, qu’elles soient politiques, éthiques ou individuelles, me répugnent et gâchent mes journées. L’étymologie du mot bonheur nous apprend qu’il ne dépend pas de nous, être humain : heur signifie en fait un présage, donc un bon présage, quelque chose qui nous dépasse, qui n’est pas de notre sort. Le bonheur n’est pas un conte de fée, nous ne naissons pas tous dans le même environnement, la même égalité sociale et la même éducation. Le bonheur demande de la volonté, de la force et du surmenage quotidien : il est fragile, facilement dissous.
Paradoxal au désir, le bonheur est quelque chose que l’on cherche tous à atteindre, mais qui se veut si difficile d’accès, mais pourquoi? Pourquoi conceptualiser un sentiment si complexe et subjectif? Héraclite disait que rien n’était permanent, sauf le changement. Le changement, nous l’appliquons tous, ou presque, dans le but ultime du bonheur. Serait-il alors la clef de celui-ci? Les fausses promesses de résolutions poches, l’attente du bonheur, la croyance qu’il arrivera d’ailleurs, il n’y a rien de vrai. Le terme du bonheur parait kitsch, désuet et philosophico-bonbon, mais porte à réflexion… Je crois que nous ne sommes pas heureux, laissons-nous donc le droit, intrinsèquement, d’atteindre le bonheur.
«Bonheur, es-tu là?» ⎯ Yvon Deschamps